L’ancien ministre des affaires étrangères Taliban déclare à Kim Sengupta :l’Ouest doit commencer à négocier avec les Islamistes d’Afghanistan
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Wakil Ahmed Muttawakil est retourné en Afghanistan
et il veut que les Taliban rejoignent le processus politique
(AP PHOTO / BK BANGASH)
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Il était l’homme qu’ils appelaient le mollah à visage humain, le mollah internet ou le Rudolph Hess des Taliban. Wakil Ahmed Muttawakil était le ministre des affaires étrangères des Taliban. C’était lui qui, en octobre 2001, un mois après le 11/9 et des semaines avant l’invasion de l’Afghanistan conduite par les Etats-Unis, a rompu les rangs avec la direction ecclésiastique jusqu’au-boutiste et a tenté de négocier un accord de paix avec Washington.
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Huit années durant, alors que l’Ouest se démène pour former une politique cohérente sur l’Afghanistan au milieu d’une opposition intérieure croissante contre la guerre, le Mollah Muttawakil a affirmé que l’Occident a contrecarré à plusieurs reprises les chances de paix.
« Depuis, nous avons vu des quantités de batailles, beaucoup de sang a été versé, pour quel résultat ? » a-t-il demandé. « Ils disent maintenant qu’ils vont parler à certains Taliban. C’est ce que je leur ai dit juste après la guerre. Je leur ai proposé de les mettre en relation avec les bonnes personnes. Leur réponse a été de me mettre en prison. »
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La politique consistant à parler aux Taliban, à présent adoptée par les Etats-Unis et la Grande-Bretagne en tant qu’élément de leur stratégie de sortie, aurait dû être appliquée il y a huit ans, lorsque les Taliban étaient au plus bas, a-t-il dit. Maintenant, il met en garde sur le fait qu’ils ont goûté au succès militaire sur le terrain contre les forces occidentales et qu’ils seront plus difficiles à vaincre. Ils savent également que l’implication des forces occidentales en Afghanistan devient impopulaire en Amérique et en Europe.
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« Ils ignorent les Taliban qui viennent de se renforcer au Pakistan. C’est la conséquence de n’avoir pas négocié et de s’être reposé sur des moyens militaires », dit-il.
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M. Muttawakil, qui est devenu connu en tant que proche conseiller du Mollah Omar, s’est enfui au Pakistan avec le dirigeant borgne après que les Etats-Unis et l’Alliance du Nord eurent pris le contrôle de Kaboul. Il est revenu après que Hamid Karzai l’eut assuré qu’il n’était pas recherché. Mais il a été arrêté par les Américains et a passé 18 mois en détention, d’abord à Kandahar, puis à la base militaire de Bagram. L’ancien ministre des affaires étrangères a fini par être libéré sans être mis en accusation et, ensuite, M. Karzai lui a demandé d’ouvrir le dialogue avec des factions des Taliban. L’ironie, c’est que l’ancien ministre, lorsqu’il se présenta aux élections de 2005 (qu’il perdit), était considéré comme une force de modération dans le Sud pachtoune.
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Il a récemment fait partie d’un groupe qui s’est rendu à la Mecque pour tenir une conférence financée par les Saoudiens avec des représentants des Taliban. « l’une des raisons principales pour laquelle je suis revenu en Afghanistan était pour dire au nouveau gouvernement, ‘Voyez ! Nous sommes tous Afghans, il y a des gens au sein des Taliban qui veulent tourner la page et rejoindre le processus politique’. J’ai essayé de dire la même chose aux Américains, mais ils n’étaient pas intéressés. Tout ce qu’ils voulaient savoir à cette époque était où se trouvaient le Mollah Omar et Oussama ben Laden. Je ne le savais pas. Auraient-ils dit à quelqu’un retournant en Afghanistan où ils se cachaient ? Je ne sais toujours pas où ils se trouvent. »
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M. Muttawakil dit qu’il n’a pas été maltraité physiquement, « mais il y a eu des abus psychologiques. Je n’avais pas le droit de dormir, on ne me donnait pas assez d’eau et je recevais des menaces. Mais les conditions se sont améliorées et l’on m’a donné des livres. Après ma libération, j’ai été encouragé à parler à certains dirigeants Taliban. Vous pouvez faire venir quelques Taliban, mais cela n’arrêtera pas la guerre. Pour cela, il faut parler à leurs dirigeants.
« Mais M. Karzai et l’Otan veulent qu’ils déclarent qu’ils cesseront le combat et les Taliban veulent d’abord que toutes les troupes étrangères s’en aillent. Il doit donc y avoir un compromis. Si l’on ne parle pas aux Taliban, il n’y aura aucune solution. »
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En tant que membre de haut rang du régime Taliban, le Mollah Muttawakil épousait les vues d’un fondamentaliste médiéval. « Nous voulons vivre la même vie que celle du Prophète, il y a 1400 ans », a-t-il déclaré autrefois dans une interview. A présent il accuse le manque de réforme pour avoir conduit à l’isolement international. « Nous n’avions réellement de relations qu’avec le Pakistan, l’Arabie Saoudite et quelques autres pays. Les choses auraient pu être différentes si le reste du monde avait été ouvert vis-à-vis de nous. »
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L’isolement justifie-t-il l’oppression brutale des femmes, la suppression générale des droits humains et la destruction des précieux Bouddhas de Bamiyan ? Le Mollah ne semble pas à l’aise. « Des erreurs ont été commises, je pense que nous devons l’accepter », a-t-il dit. « Nous essayions d’assouplir certaines lois, mais il y avait une opposition de la part de nos experts religieux sur des choses comme les questions relatives aux femmes. J’étais contre ce qui a été fait à la statue de Bouddha, comme l’était le ministre de la culture. Nous étions d’accord pour juste supprimer le visage [des statues], mais cela avait déjà été fait. Le problème a été soumis à la cour suprême et ils ont décidé que les figures pouvaient être détruites. Je n’ai rien pu faire. »
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Il y a de nouvelles inquiétudes que la réconciliation avec des personnalités Taliban compromettra les avancées en matières des droits de l’homme. M. Muttawakil insiste sur le fait que tout peut être négocié. « C’est aux Afghans de décider ce qu’ils veulent. Ils devraient pouvoir le faire sans interférence de la part d’étrangers. Et cela inclut Al-Qaïda. Nous devons nous assurer qu’Al-Qaïda ne devient pas un obstacle à la paix. »
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Les Taliban de 2001 : Où sont-ils à présent ?
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Sayed Rahmatullah Hashemi, le traducteur de Muttawakil en 2001, a rejoint les Taliban à l’âge de 16 ans et, après leur défaite, il s’est installé à Quetta, au Pakistan, pour terminer ses études secondaires. Ensuite, en 2006, sur l’encouragement d’un ami américain, il a postulé pour étudier à l’Université de Yale, aux Etats-Unis, et il a été accepté, ce qui provoqua la fureur de certains conservateurs.
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La carrière de Abdul Salaam Alizai est l’exemple même de la façon dont les dirigeants tribaux afghans peuvent changer d’allégeance. Après avoir combattu les Soviétiques, le dirigeant pachtoune de la tribu méridionale Alizai, rejoignit les Taliban et aurait été proche du Mollah Omar. Mais, en 2006, il a changé de camp, abandonnant les Taliban, qui ont tué, l’année dernière, plusieurs de ses gardes du corps en attentant à sa vie.
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Après les attaques du 11/9, Abdul Salam Zaeef, l’ambassadeur du régime au Pakistan, était le visage public des Taliban. Mais, en 2002, il a été envoyé à Guantanamo Bay. Dans un livre publié en 2006, décrivant l’épreuve qu’il a subie, il a écrit que la « confession » qu’il a signé pour sa libération disait : « Je suis un Talib, je reste un Talib. Ne n’ai aucun lien avec Al-Qaïda. »
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Kim Sengupta