"Le mensonge et la crédulité s'accouplent et engendrent l'Opinion" Paul Valéry

6 juillet 2008

FARC & ATTRAPES

"Nicolas Sarkozy n'a été absolument pour rien dans cette libération"


Ségolène Royal a rompu l'unanimité politique entourant la libération d'Ingrid Betancourt en France en déclarant que Nicolas Sarkozy n'était "absolument pour rien" dans son retour à la liberté, une accusation balayée avec colère par gouvernement et majorité.
En déplacement au Québec, l'ancienne candidate à l'Elysée a renvoyé à la droite ses accusations de "polémique politicienne", estimant que ses propos avaient été "sortis de leur contexte".
Selon des propos rapportés par plusieurs radios en France, la présidente de la région Poitou-Charentes a évoqué jeudi une "opération colombienne rondement menée", estimant que les négociations avec les Farc, l'option privilégiée par Paris, "étaient inutiles et n'avaient débouché sur rien".


"Nicolas Sarkozy n'a été absolument pour rien dans cette libération", a-t-elle insisté.
Dans un communiqué diffusé par son équipe vendredi à Paris, elle explique que "les propos qu'elle a tenus (...) se sont contentés de reprendre des faits admis par tous et notamment par le secrétaire général de l'Elysée", Claude Guéant, qui a admis jeudi que Paris n'avait été prévenu de l'opération colombienne qu'un quart d'heure avant.


La liberté d'Ingrid achetée à des déserteurs ?


COLOMBIE.

De 5 à 20 millions de dollars auraient été versés pour pousser des ravisseurs à déserter avec leurs 15 otages. Bogota nie avoir payé.

Vincent Taillefumier, Bogota, Samedi 5 juillet 2008

L'opération «impeccable», «100% colombienne», qui a permis la libération d'Ingrid Betancourt et de 14 autres otages de la guérilla, mercredi 2 juillet, cacherait d'importantes zones d'ombre. Selon les confidences d'une source proche du dossier, «au moins 5 millions de dollars» auraient été versés aux ravisseurs pour qu'ils acceptent de se rendre avec leur butin humain. Ces affirmations, faites au Temps, recoupent en partie une information de la Radio suisse romande (RSR) diffusée vendredi. La RSR, qui cite une «source fiable» et «éprouvée» (CF2R), évoque la somme de 20 millions de dollars et ajoute que les Etats-Unis auraient été «à l'origine de la transaction».

Le versement aurait permis à Washington de récupérer trois de ses agents, enlevés en février 2003 lors d'une mission de reconnaissance antidrogue, et libérés mercredi avec la Franco-Colombienne. Interrogé hier matin par la radio locale, le commandant en chef de l'armée colombienne, le général Freddy Padilla, a cherché à dédouaner les autorités de son pays: «Je nie que le gouvernement colombien ait payé un centime pour cette opération.» Son prestige est en jeu: deux jours plus tôt, il présentait l'opération, aux côtés du ministre de la Défense Juan Manuel Santos, comme un coup de maître de ses services secrets. Selon lui, depuis l'évasion de l'otage policier John Frank Pinchao, en avril 2007, les agents avaient avancé dans la localisation des kidnappés, infiltré leurs gardiens et même la direction des Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC) pour leur faire organiser un faux transfert d'otages.

C'est seulement une fois montés dans un hélicoptère militaire, repeint aux couleurs d'une ONG «fictive» amie de la guérilla, que les ravisseurs auraient découvert la supercherie. «Je jure sur mon honneur qu'il aurait été encore plus destructeur pour les FARC que [des déserteurs] aient reçu 20 millions de dollars, insistait vendredi Freddy Padilla. Ça aurait été une incitation pour les autres.» Selon nos informations, le chef du groupe de ravisseurs, «César», officiellement arrêté en vol avec son second «Enrique», aurait en fait trahi. Sa compagne, connue comme «Doris Adriana», a été détenue le 2 février dans le cadre d'une opération conjointe des autorités colombiennes avec le FBI contre un réseau de trafic d'armes et de drogue des FARC. Arrêtée alors qu'elle montait dans un bus, près de la frontière vénézuélienne, elle a aussitôt dû affronter une demande d'extradition des Etats-Unis, notamment pour sa participation supposée à la capture des trois Américains. Mais c'est dans la prison de femmes de Bogota, le Buen Pastor, qu'elle se morfond depuis, et c'est là que les services secrets la travailleraient depuis des mois pour qu'elle «retourne» son compagnon.

Par l'intermédiaire d'agents doubles, elle l'aurait finalement convaincu de déserter, peut-être avec son second, tristement connu par les otages sous le pseudonyme d'«Enrique» ou «Gafas». La promesse d'un avenir doré a sans doute pesé. Le paiement de récompenses en Colombie n'est pas un secret, mais au contraire une politique officielle du pouvoir. L'an dernier, le président Alvaro Uribe a créé un fonds de 100 millions de dollars pour les déserteurs qui se livreraient avec des otages. Le chef de l'Etat lui-même annonçait, le 14 juin, que les ravisseurs d'Ingrid Betancourt avaient contacté les autorités pour demander des garanties en échange d'une reddition. «Dites-leur qu'ils peuvent se livrer, qu'ils ne perdent plus de temps en coups de fil», répond le président devant les micros, en promettant argent, impunité et exil. Depuis, Juan Carlos Lecompte, l'époux de la Franco-Colombienne, s'attendait à une «bonne nouvelle» rapide.

Ce scénario, certes moins glorieux que celui des barbouzes impeccables, n'en constituait pas moins un lourd revers pour la guérilla, et une victoire pour Alvaro Uribe. Pourquoi élaborer une mise en scène? Peut-être pour mieux soigner encore le prestige des autorités, en Colombie et à l'étranger, alors que la justice a brièvement mis en cause la légitimité du président pour une affaire de clientélisme. La cote de popularité déjà élevée du chef de l'Etat, applaudi unanimement dans le monde entier, a ainsi atteint le record de 91%, dans un sondage effectué au lendemain des libérations. Plus simplement, le ou les déserteurs ont aussi pu demander à protéger leurs proches, ou les agents de renseignement avaient besoin de discrétion pour mener à bien des opérations semblables. Le scénario a-t-il été trop fignolé, ou est-il totalement fantaisiste? «César», combattant aguerri, est apparu hier aux caméras boitant bas, le visage tuméfié: le résultat, probablement, de la rapide «neutralisation» à laquelle ont assisté les otages quelques instants après le décollage.

Mais son avenir pourrait être moins sombre que sa mine ne le laisse paraître. Le procureur général colombien, Mario Iguarán, a rapidement évoqué la possibilité de lui attribuer des réductions de peine réservées aux déserteurs et démobilisés «s'il collaborait avec la justice». Les Etats-Unis possèdent également l'arsenal légal nécessaire à la réinsertion de «César» ou «Gafas». Un trafiquant de drogue colombien sanguinaire, Victor Patiño, extradé et condamné en 2002 à 16 ans de prison, aurait ainsi été intégré depuis quelques semaines à un programme de protection de témoins. «Ce qui veut dire que dans quelques mois, il aura un nouveau nom et un emploi, dans une ville seulement connue de ses proches», a révélé au quotidien El Tiempo une personne qui connaît bien «César».

Un futur enviable pour les deux éventuels déserteurs, dont le chef de l'armée de terre colombienne, Mario Montoya, s'est empressé de dire que «leur extradition était pratiquement acquise». Par ailleurs, la sénatrice colombienne Piedad Cordoba, ancienne médiatrice entre la guérilla et le président Hugo Chavez, interrogée par le quotidien argentin Clarin, a affirmé: «Ceci n'est pas un sauvetage. C'est une opération de remise d'otages pour laquelle une rançon a été versée», tout en indiquant ne pas avoir de preuves tangibles, mais se baser sur les déclarations des autorités colombiennes.


Des «conseillers israéliens» ont aidé les forces spéciales


Bogota a recruté des dizaines d'experts en 2007

Serge Dumont, Tel-Aviv «L'opération Entebbe des Colombiens.» C'est en ces termes que les médias israéliens présentent la libération d'Ingrid Betancourt par un commando de l'armée colombienne. En effet, le 3 juillet 1976, la «Sayeret Matkal» (un commando d'élite de Tsahal) avait libéré les 244 passagers d'un avion retenus sur l'aéroport d'Entebbe (Ouganda) en utilisant des techniques de leurre semblables à celles employées il y a quelques jours par les Colombiens. Or, en 2007, la Colombie a recruté des dizaines de «conseillers» israéliens issus de la «Sayeret Matkal», du Mossad, ainsi que du Shabak (la Sûreté générale de l'Etat hébreu).

Opérant pour le compte de la société Global CST - une firme créée par l'ancien officier supérieur de la «Sayeret Matkal», Israël Ziv, et par l'ex-patron des Renseignements militaires israéliens, Yossi Kuperwasser -, ces «consultants» ont aidé les les forces spéciales colombiennes à devenir plus performantes. Chef des opérations de la «Sayeret Matkal» jusqu'en 2004, Israël Ziv et le personnel de Global CST ont formé les Colombiens aux techniques de renseignement (infiltration, retournement d'éléments ennemis, interception et brouillage de communications) ainsi qu'aux méthodes d'interrogatoire de prisonniers.

En outre, ils ont participé à l'élaboration de stratégies visant à perturber le fonctionnement des FARC en isolant ses différents fronts, en sapant ses lignes d'approvisionnement, et en coupant les communications entre ses unités de base et son état-major. Le contrat entre Global CST et la Colombie (10 millions de dollars) a été avalisé par le Ministère israélien de la défense. A la condition que les «consultants» israéliens ne participent pas directement aux opérations contre les FARC. Ou qu'ils ne prennent pas part physiquement à la libération d'otages détenus par la rébellion marxiste. Ailleurs en Amérique latine «Les «consultants militaires» israéliens n'opèrent pas qu'en Colombie. On en trouve dans de nombreux pays d'Amérique du Sud ainsi qu'en Afrique, explique le chroniqueur militaire Allon Ben David. Etant donné leur passé dans l'appareil sécuritaire de l'Etat hébreu, leurs firmes ont pignon sur rue en Israël où leurs activités sont connues des autorités. Celles-ci laissent généralement faire parce que ces «experts» aident à étendre l'influence d'Israël et parce qu'ils font tourner les industries militaires de leur pays.»

A ce propos, Israël est depuis longtemps le premier fournisseur de matériel militaire de la Colombie. Ces dernières années, Jérusalem à ainsi vendu à Bogota des armes légères, des drones, des bombes téléguidées, ainsi que du matériel électronique. La collaboration entre les deux pays a été renforcée en février dernier à l'occasion de la visite en Israël du ministre colombien de la Défense. Durant son séjour, Juan Manuel Santos a, entre autres, passé commande de 24 avions de chasse israéliens Kfir, des appareils de conception ancienne mais que l'on trouve toujours en activité dans plusieurs armées sud-américaines et au Sri Lanka.




En bref, une image révélatrice, un fait marquant ou une déclaration décalée ?



Ingrid Betancourt : le double jeu de Nicolas Sarkozy

Selon le président équatorien, Rafael Correa, son homologue colombien, Alvaro Uribe, aurait plusieurs fois fait échouer la libération des otages des FARC, en tentant de profiter de ces moments pour lancer des opérations militaires au mépris de la parole donnée.
Selon la sénatrice colombienne Piedad Cordoba, la France avait offert aux FARC un téléphone satellitaire pour conserver un contact permanent lors des négociations pour la libération d’Ingrid Betancourt. Mais lors d’une opération conjointe franco-états-uno-colombienne, les services français ont utilisé cet appareil pour localiser le négociateur et numéro 2 de la guérilla, Raúl Reyes, la CIA a tiré un missile guidé, et les forces spéciales colombienne ont nettoyé le campement.

Des victimes du leader neo-fasciste Mario Sandoval affirment l’avoir reconnu parmi les membres de la délégation officielle française chargée des négociations.
Selon la Comisión Nacional sobre Desaparición de Personas (Conadep), organisme argentin chargé d’enquêter sur les crimes de la junte, M. Sandoval aurait été à la fin des années 70 professeur à l’école de police et aurait commis divers crimes (dossier d’instruction 1076/1163).
Selon El Tiempo de Bogota, repris par de nombreux quotidiens latino-américains, Mario Sandoval prodiguerait désormais ses conseils à l’état-major militaire de l’Élysée.
Cependant, selon un communiqué de l’ambassade de France à Bogota, M. Sandoval n’exerce aucune fonction officielle auprès de M. Sarkozy.