Le projet cinématographique mené par Kathryn Bigelow («Démineurs») consacré à la traque d'Oussama Ben Laden devrait arriver en salle le 12 octobre 2012. Juste à temps pour la présidentielle américaine. De quoi susciter la colère des Républicains, qui redoutent que le film ne présente Barack Obama sous un jour outrageusement favorable.
Hollywood s'est invité à Washington ces derniers jours. Une polémique est née autour du prochain film de Kathryn Bigelow, oscarisée pour «Démineurs» et actuellement en train de travailler sur un projet racontant la traque et la mort d'Oussama Ben Laden. Probablement intitulé «Kill Bin Laden», le film a de quoi inquiéter les Républicains. D'abord, parce qu'il a pour thème la principale réussite du mandat de Barack Obama. Ensuite et surtout parce que sa sortie est programmée pour le 12 octobre 2012, selon «Deadline», soit à quelques jours de l'élection présidentielle américaine.
La polémique a commencé avec une chronique de la célèbre éditorialiste du «New York Times», Maureen Dowd. Dimanche 7 août, elle affirme que la Maison-Blanche attend beaucoup de «Kill Bin Laden». «Le film reflètera sans nul doute la décision réfléchie et courageuse du président face à l'incertitude», souligne-t-elle, avant de noter que la date de sortie est parfaitement choisie pour donner un coup de pouce à la campagne du président démocrate. Mais la journaliste va plus loin: elle affirme que l'exécutif a accordé des faveurs aux producteurs du film. «L'équipe du film bénéficie d'un accès privilégié à la mission la plus classifiée de l'histoire de cette administration», affirme-t-elle. Pour Maureen Dowd, la Maison-Blanche a «sous-traité à Hollywood le boulot de renforcer l'image du président». L'accusation n'a pas échappé aux Républicains.
Soumettre le film à l'approbation de l'armée et de la CIA
Le représentant républicain de l'Etat de New York, Peter T. King, s'est fendu d'une lettre à destination de la CIA et du département de la Défense, afin de se renseigner sur les circonstances dans lesquelles travaillent Kathryn Bigelow et son équipe. Dans sa missive, publiée par «Deadline», l'élu demande par exemple si le film sera soumis à l'armée et à la CIA avant sa sortie en salles, afin de déterminer s'il ne présente pas le risque de révéler de trop nombreuses informations sur les méthodes utilisées par la Navy SEAL Team 6 pour abattre l'homme le plus recherché de la planète. Si le cas de «Kill Bin Laden» est sensible, il n'est pourtant pas rare que l'armée travaille de très près avec Hollywood, par exemple pour des films tels que «Pearl Harbor» ou «Top Gun». Il n'est pas rare aussi que les militaires rechignent à apporter leur soutien à des projets qu'ils jugent trop critiques: en tournant «Apocalypse Now», Francis Ford Coppola avait dû recourir à du matériel militaire philippin.
Les inquiétudes et les accusations portées par l'opposition ont évidemment contraint la présidence à réagir. Le porte-parole de la Maison-Blanche, Jay Carney, a qualifié de «ridicules» les allégations de Peter T. King, qui est également président de la commission sur la Sécurité intérieure. «On peut espérer qu'alors que nous faisons face en permanence à la menace terroriste, la commission a des choses plus importantes à débattre qu'un film», a-t-il taclé. Reste que la polémique a tellement enflé qu'elle a contraint la réalisatrice elle-même à expliquer ses intentions.Kathryn Bigelow et Marc Boal, le producteur, assurent dans une déclaration commune que «les efforts collectifs de trois administrations» dans la traque de Ben Laden étaient intégrés au scénario. La mort de Ben Laden, écrivent-ils encore, «fut un triomphe américain, à la fois héroïque et non-partisan. Rien ne ne permet d'affirmer que notre film présentera autrement cette gigantesque victoire.» Reste qu'il n'est pas sûr que ces belles déclarations de patriotisme suffisent à calmer les adversaires de Barack Obama.
Paris Match