De récentes menaces proférées par la CIA envers deux journalistes freelances ont retardé la diffusion d’une émission d’investigation diffusée sur Internet (un podcast) où figuraient les noms d’analystes de la CIA qui s’étaient rendus complices d’obstructions dans la communication de renseignements-clefs avant le 11/9. Le podcast présente notamment certaines révélations faites par d’anciens hauts responsables de l’administration US, comme Richard Clarke, Pasquale D’ Amura, Nob Baer, et Mark Rossini, qui relaient les préoccupations déjà formulées par l’ex-président de la Commission d’enquête sur le 11/9, Thomas Kean.
Jeudi dernier, la CIA a menacé les journalistes auteurs du documentaire « Who is Rich Blee ? » de possibles poursuites judiciaires si leur émission d’investigation révélait les noms des deux analystes de la CIA au centre d’une affaire d’obstruction et de mauvaise utilisation de renseignements dont beaucoup pensent qu’ils auraient pu permettre d’éviter les attentats du 11-Septembre.
Tout comme l’agent du FBI Ali Soufan et le Lieutemant-Colonel Anthony Shaffer avant eux, les membres de l’équipe journalistique, dont John Duffy et Ray Nowosielski, ont fait l’objet d’intimidations et d’actes de censure de la part d’officiels du gouvernement suite à leurs révélations (whistle blowing) sur la véritable histoire de deux des supposés pirates de l’air du 11/9, Nawaf al-Hazmi et Khalid Al-Mihdhar.
Le podcast dont la diffusion était initialement prévue le 11 septembre 2011 raconte comment trois analystes de la CIA travaillant [sous les ordres de] Richard Blee, l’ex-chef méconnu qui a supervisé pendant longtemps l’équipe de la CIA en charge de la recherche de Ben Laden (la CIA’s Bin Laden Station), ont délibérément induit en erreur leurs collègues, et ont dissimulé certains renseignements au FBI et à la Maison Blanche à propos de la présence de deux agents connus d’al-Qaïda aux USA.
Quatre enquêtes gouvernementales se sont intéressées à la façon dont la CIA avait traité les informations sur le 11/9, y compris les actions et les informations personnelles de deux agents de la CIA. [Les deux journalistes] Nowosielski et Duffy ont réussi à déduire l’identité des deux employés de la CIA à partir de recherches sur Internet basées sur des détails fournis par ces enquêtes et d’autres sources. Lorsque les producteurs ont divulgué les identités des deux agents lors d’entrevues, les personnes interviewées n’ont pas rectifié ces noms. La réponse de la CIA a fourni la confirmation finale.
Lors de mises à jour du projet postées sur le site secrecykills.com, les producteurs ont annoncé l’ajournement du podcast et ont diffusé des informations concernant une sombre affaire impliquant des violations de protocoles par dizaines, des histoires d’intimidation, des cas d’obstruction par la CIA, avec au centre de la plupart de ces affaires, les deux fameux agents de la CIA.
Dans son livre « Disconnecting the dots : 9/11 Was Allowed to Happen », Kevin Fenton, écrivain et spécialiste du sujet, a documenté 35 de ces incidents survenus entre janvier 2000 et le 11 septembre 2011.
Le Prix Pulitzer Lawrence Wright, interviewé pour le podcast, a expliqué aux producteurs que les agissements de l’un des deux analystes de la CIA, qui est toujours employé par l’Agence, concernent l’obstruction à la justice dans l’enquête criminelle du FBI sur la mort de 17 marins à bord de l’USS Cole.
Les producteurs ne sont pas les premiers à subir la censure du gouvernement sur ce sujet. Le mois dernier, le New York Times rapportait les efforts de la CIA pour censurer le livre autobiographique d’Ali Soufan, un agent spécial de terrain travaillant pour le contre-terrorisme au FBI. Avant le 11/9, Soufan s’était intéressé à Mihdhar et Haazmi à cause de leurs liens avec l’attentat à la bombe contre l’USS Cole au Yémen. La CIA avait fait retirer les références à la photo d’un passeport de Mihdhar que la CIA avait refusé de fournir à Soufan malgré trois requêtes écrites.
Scott Shane du New York Times écrit aujourd’hui que « M. Soufan accuse des officiels de la CIA d’avoir dissimulé volontairement au FBI, avant les attentats du 11/9 des photos et des documents capitaux concernant des agents d’al-Qaida, malgré trois demandes écrites, et d’avoir menti à ce sujet devant la Commission sur le 11/9. »
Le Lieutenant-Colonel Shaffer, interviewé pour le podcast, a lui-même subi des intimidations, et a été sanctionné et diffamé par le Pentagone après qu’il eut fait part à la Commission sur le 11/9 de détails sur la façon dont, à trois reprises, des responsables (anonymes) du DoD avaient empêché son opération Able Danger de se réunir avec le FBI avant les attentats.
En 2000, Able Danger, un projet de collecte d’information (data-mining) avait localisé Mohammed Atta dans une cellule terroriste de Brooklyn, et avait aussi identifié Hazmi et Mihdhar dans une cellule à San Diego, l’épicentre de l’intrigue autour de l’Alec Station de Rich Blee, Rom Wilshere et deux de leurs subordonnés (dont les noms sont toujours non publics) qui avaient eux-mêmes caché à plusieurs reprises leurs informations au FBI.
Bien que Shaffer ait été interrogé par le président de la Commission sur le 11/9 Philip Zelikow et son collaborateur Dieter Znell, la Commission ne fait aucune mention de l’opération Able Danger dans son rapport final.
Dans l’émission podcast prévue, le président de la Commission sur le 11/9 Tom Kean est interrogé à propos d’une courte note de bas de page dans le chapitre 6 du rapport final, se référant à un document des renseignements, vu par plus de 50 personnes à la CIA, mais qui a été bloqué avant d’atteindre le FBI. Pour Kean, l’incident n’était pas dû à un cafouillage ou à un quelconque cloisonnement : « Oh, mais cela n’avait rien à voir avec de la négligence ou de l’inattention. C’était résolument volontaire. Je n’ai absolument aucun doute là-dessus. C’était volontaire. »
Tandis que Kean explique tout cela par un penchant pour le secret, Richard Clarke, l’ex-chef du contre-terrorisme de la Maison Blanche sous Bush, va plus loin, évoquant de la malveillance et de possibles activités illégales d’espionnage domestique de la part de la CIA. Les commentaires de Clarke diffusés dans une vidéo fin août 2011 ont provoqué une réponse formelle de George Tenet, Cofer Black et Richard Blee, et la réponse à leur tour des producteurs.
« Ce fut peut-être le moment où les services secrets US ont été le plus proche de déjouer le complot du 11/9 », explique Nowosielski, « mais au lieu d’empêcher les attentats, la CIA a empêché les renseignements concernant deux cibles privilégiées d’atteindre les bonnes personnes, et ce, de façon répétée. Et encore aujourd’hui, la CIA protège ces individus pourtant responsables [de ces agissements] en intimidant ceux qui veulent simplement connaître la vérité qui se cache derrière une choquante affaire d’obstruction. »
Dans un email datant de jeudi, la CIA a prévenu Nowosielski qu’il pourrait faire l’objet de poursuites au titre de l’Intelligence Identities Protection Act, une loi s’appliquant aux employés du gouvernement qui violent les autorisations de sécurité, loi qui n’avait encore jamais été utilisée contre des journalistes.
La réponse « en ligne » des producteurs est la suivante : « Le code éthique de la Société des journalistes professionnels stipule que ‘les journalistes doivent être dégagés de toute obligation envers des intérêts autres que celui du droit de savoir du public’ et ‘rester vigilants et déterminés à mettre les puissants face à leurs responsabilités.’ Le jour où les travaux / enquêtes des journalistes sur des malversations au sein des agences gouvernementales nécessiteront l’approbation desdites agences, avant parution, ce jour-là, transparence et responsabilité auront disparu. »
John Duffy et Ray Nowosielski, tous deux diplômés de la Chicago’s Columbia College Film School, ont produit en 2006 le documentaire très apprécié par la critique : « 9/11 Press for Truth »
Contact:
Ray Nowosielski
317-698-4642
ray (@) bandedartists.com