Ce matin, nous nous sommes présentés au tribunal pour une audience concernant notre demande de condamnation de la CIA pour la destruction de 92 bandes vidéos montrant les tortures faites sur deux prisonniers, Abu Zubaydah et Abd Al-Rahim Al-Nashiri. (Pure coïncidence, le rendu survenait le jour du 9e anniversaire de deux « mémos sur la torture » qui visaient à fournir une couverture légale aux techniques brutales utilisées par la CIA lors des interrogatoires de détenus.)
Nous avons soutenu que la CIA avait fait preuve du plus complet mépris pour la Cour et pour la primauté du droit, en faisant fi de plusieurs ordonnances du tribunal qui lui demandaient de produire ces bandes vidéos, et en les détruisant, au contraire.
Pour remettre les choses dans leur contexte, en septembre 2004, le tribunal avait une première fois exigé de la CIA qu’elle lui fournisse ou qu’elle identifie les enregistrements vidéos, dont au moins 92 d’entre eux documentaient les interrogatoires brutaux de deux prisonniers. Malgré cette mise en demeure, la CIA n’a pas fourni les bandes, ni même reconnu leur existence.
A l’insu du public, les enregistrements furent détruits en novembre 2005, un an après l’ordre du tribunal, mais leur destruction ne fut révélée publiquement qu’en 2007. Notre motion s’inscrit dans la lutte permanente que nous menons au travers de la Loi sur la liberté de l’information (Freedom of Information Act, ou FOIA) concernant les documents relatifs à la détention et au traitement des prisonniers dans les prisons US à l’étranger.
Après un rapide échange d’arguments, le juge a condamné la CIA pour sa tentative d’échapper à la loi, et a exigé de l’Agence qu’elle rembourse les frais d’avocats que nous avions engagés lors de cette tentative visant à faire la lumière sur ces infractions. Le juge a aussi demandé à la CIA de publier sa future documentation – celle relative aux règles de destruction [de documents] élaborée à la suite de notre action en justice dont [un des] objectifs était d’empêcher que cela se reproduise à l’avenir. Enfin, le juge a expliqué que l’ACLU avait joué un rôle "extraordinaire" en révélant au public des informations sur les abus faits contre des détenus dans certaines prisons US. En revanche, lors de son rendu, il n’a pas souhaité condamner la CIA pour outrage à magistrat, opposant une fin de non-recevoir à nos principales préoccupations concernant la responsabilisation [des officiels].
Bien que cette sanction de la CIA par un tribunal constitue une étape vers une véritable responsabilisation, nous sommes encore loin du compte avant de pouvoir tourner la page sur les 10 ans qui viennent de passer. Au-delà de la destruction des vidéos par la CIA, ce qui est bien plus gênant est qu’elle ait été autorisée à utiliser ces pratiques brutales que les vidéos ont enregistré. En détruisant les preuves de ces activités criminelles en violation directe des instructions claires émises par le juge, les hauts responsables de l’Agence n’avaient qu’un but, éviter que la justice ou le public puisse leur demander des comptes.
Ateqah Khaki
ACLU