"Le mensonge et la crédulité s'accouplent et engendrent l'Opinion" Paul Valéry

15 juillet 2009

La pression sur Obama pour rouvrir les années Bush

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Après le 11 septembre 2001, la CIA avait mis sur pied un programme secret. Tellement secret, en réalité, que le nouveau chef de l’agence, Leon Panetta, n’en aurait lui-même pris connaissance que fin juin, presque par hasard, après avoir passé six mois à diriger les espions américains. Il en a immédiatement informé un comité du Congrès, comme la loi lui en donne l’obligation. Et l’homme, qui ne fait pas partie du sérail de l’espionnage, aurait aussi désigné un responsable de ce long silence coupable : Dick Cheney, l’ancien vice-président.

De vilaines cachotteries. Une couche de plus dans le formidable halo de secret dont s’est entourée l’administration Bush. Des révélations du Wall Street Journal ont finalement commencé à soulever les coins de ce programme secret dont parlait déjà tout Washington : il s’agissait notamment de former des commandos spéciaux pour dénicher, et tuer sans sommation, les principaux membres supposés d’al-Qaida, même établis dans des pays amis. Une action logique, alors qu’Oussama ben Laden a été désigné comme l’ennemi numéro un de l’Amérique ?

Logique peut-être, mais illégale. Depuis que les Israéliens avaient eu recours à cette pratique pour liquider les responsables du massacre des Jeux olympiques de Munich (1972), les Etats-Unis ont explicitement banni l’usage des « assassinats ciblés », conscients des dérives qu’ils peuvent provoquer. Plus encore : tout programme « sensible » de cette nature doit avoir l’aval d’un comité du Congrès chargé de cadrer les activités des espions. Non seulement la Maison-Blanche s’est passée de cet accord, mais elle a exigé explicitement à la CIA de garder le silence.

Pourtant, l’émoi provoqué dans les travées du Congrès semble démontrer qu’il reste encore des choses à découvrir. Depuis des semaines, la speaker de la Chambre des représentants, Nancy Pelosi, répète à qui veut l’entendre que la CIA lui a menti pendant des années, à elle aussi, à propos des méthodes d’interrogation des détenus, et sur l’usage des pratiques les plus controversées comme la simulation de noyade ou la privation de sommeil. Un temps, on a pensé que la démocrate ne lançait ces accusations que pour se dédouaner et justifier son propre manque de réaction à l’époque. Mais, depuis lors, d’autres collègues sont venus à sa rescousse pour appuyer ses dires.

Leon Panetta n’est pas le seul à faire des découvertes surprenantes. Le mois dernier, le ministre de la Justice, Eric Holder, aurait décidé de s’isoler dans son bureau. Il aurait pris deux jours entiers pour lire les rapports de l’inspecteur général de la CIA, encore classés top secret, consacrés aux abus des agents lors des interrogatoires. Des « abus » déjà connus en partie, au demeurant, et confirmés notamment par le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) dans un rapport publié à son insu.

Ce qu’a lu Eric Holder l’aurait « choqué et peiné », selon un de ses proches cité par le magazine Newsweek. Car, loin de se contenter d’appliquer à la lettre les torture memos du Département de la justice (qui autorisaient déjà un recours limité à la torture), certains agents de la CIA seraient allés largement au-delà. Depuis lors, l’attorney general serait de plus en plus décidé à nommer un procureur spécial chargé de faire la lumière sur ces agissements et, peut-être, d’inculper les responsables.

Cet homme, proche du président Barack Obama, serait-il prêt à aller contre les volontés affichées du président ? A plusieurs reprises, l’actuel chef de la Maison-Blan­che a rejeté l’idée d’ouvrir une enquête sur l’administration précédente en répétant qu’il s’agissait désormais de « regarder vers l’avant ». La Maison-Blanche a même activement œuvré en coulisses pour dissuader les élus de mettre sur pied une « commission vérité » qui n’aurait pourtant pas eu de compétences judiciaires.

Cependant, le président lui-même semble comme dépassé par l’ampleur des révélations. Il y a quelques jours, il reconnaissait ainsi qu’il avait demandé à ses conseillers d’enquêter sur le massacre de centaines de combattants talibans qui étaient aux mains des troupes de l’Alliance du Nord (alliée des Américains) au début de la guerre d’Afghanistan, en 2001. Or, à l’époque, l’administration Bush avait tout fait pour que ce massacre ne soit pas révélé. « Je pense qu’il y a des responsabilités qui incombent à toutes les nations, même en temps de guerre, expliquait le président sur CNN. Et s’il apparaît que notre conduite a consisté à apporter notre soutien à des crimes de guerre, alors je pense que nous devons le savoir. »

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Luis Lema