Cet article tente de dresser une revue de presse (et du web) synthétique des principales sources d’information qui pointent du doigt des interrogations concernant les attentats de Londres. Par ailleurs, ce billet a également pour but de poser quelques questions au plus célèbre des soi-disant « conspirationnistes » français, l’ancien ministre de la défense Jean-Pierre Chevènement... Etat des lieux à date.
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"La stratégie du massacre" affiche en Une le magazine Der Spiegel, disponible depuis lundi dans tous les kiosques en Allemagne. Ce massacre, le magazine l’annonce façon Paco Rabane pour le 22 août, c’est-à-dire mardi prochain. Ce jour-là les musulmans du monde entier célèbreront l’ascension céleste de leur prophète Mahomet sur le dos du cheval ailé Burak. Pour Bernard Lewis, islamophobe patenté, interrogé par Der Spiegel, cette date "peut tout à fait être considérée comme plausible pour une attaque apocalyptique dont le but serait la destruction d’Israël, voire, s’il le faut, du monde entier". Ces "fantasmes de fin du monde" sont motivés par un raid spectaculaire mené dans la nuit du 9 au 10 août 2006 en Grande-Bretagne et au cours duquel la police a arrêté dix-neuf personnes qualifiées de terroristes qui, d’après le ministre de l’Intérieur britannique John Reid, se préparaient à commettre des attentats contre des avions et provoquer "un massacre d’une ampleur inconcevable", faisant "un nombre encore jamais vu de victimes". Der Spiegel précise néanmoins que "pour l’instant, personne n’a encore vu les bouteilles trafiquées de limonade Gatorade contenant l’explosif liquide que les suspects étaient censés introduire à bord des avions" écrit Jürgen Elsässer, journaliste allemand dans un article publié sur Voltaire.net (le diffuseur n’est jamais un point de détail, comme on le verra...).
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Pour ceux qui ne le connaissent pas, Jürgen Elsässer est l’auteur du livre "Comment le Djihad est arrivé en Europe", préfacé par Jean-Pierre Chevènement selon lequel il "constitue une mine de révélations pour quiconque cherche à comprendre les enjeux géostratégiques mondiaux."
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Occupons-nous d’abord de l’actualité. Hier après-midi, la police britannique annonçait qu’elle gardait la vingtaine de suspect 10 jours encore afin de démanteler le "réseau" dans son ensemble... Un réseau ?
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The Guardian de Londres dans son édition du 13 août, stipule qu’aucune des personnes arrêtées par la police n’avait réservé ni acheté le moindre billet d’avion.
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Les autorités britanniques affirment avoir agi sur la foi d’informations obtenues de la part des services secrets pakistanais, l’ISI. Une partie de la presse britannique s’interroge cependant sur la réalité et l’importance de ces tentatives d’attentats qualifiés par le Financial Times comme "les plus meurtriers de l’histoire planétaire"... s’ils avaient eu lieu.... Selon le journal, "ce complot a des similitudes avec les attentats auxquels pensait Ramzy Yousef, reconnu coupable aux Etats-Unis en 1996 de préparer l’explosion d’une douzaine d’avions américains avec des explosifs à base de nitroglycérine". Pour The Times, comme le reporte Courrier International, en plus du type d’engin explosif utilisé par les terroristes, c’est toute une philosophie de fonctionnement qui a changé. Au fil des années, on est passé de la prise d’otages avec demande de rançon ou de libération de prisonniers a un radicalisme pur et dur, à l’idée de "on fait tout sauter". "Il n’y a rien de plus photogénique et terriblement violent que l’explosion d’un avion en plein vol", raconte le célèbre quotidien conservateur. Le 11 septembre en est la preuve ou "l’apothéose"...
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The Independent, s’interroge d’avantage encore et introduit des premiers doutes : "Depuis longtemps, notre rédaction défend l’idée que c’est par l’action discrète des services secrets et de la police que l’on peut et doit lutter contre le terrorisme, pas avec les lois ultrarépressives que favorise trop souvent ce gouvernement. Si réellement un complot d’envergure a été déjoué grâce à ce travail de l’ombre, il n’y a qu’à s’en féliciter et en être fiers."
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Le mot est lancé... The Independant interroge de fait en commençant sa phrase par ce "si" beaucoup moins anodin qu’il n’y parait. Le Monde dans son édito du 11 août dernier se contentait de stipuler : "Qu’Al-Qaida soit directement ou non à l’origine du complot avorté n’est pas essentiel. A l’évidence les terroristes qui s’inspirent des méthodes et des buts de Ben Laden sont assez nombreux, et leurs réseaux assez étoffés, pour que le djihadisme international conserve la capacité de frapper fort des objectifs symboliques en mobilisant de façon coordonnée des dizaines de kamikazes."
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"Mais des attentats ont-ils réellement été déjoués ?" demande ouvertement Courrier International en écho à ses confrères. "Il y a dans toute cette affaire des éléments qui mettent plus que mal à l’aise. Par exemple, le fait que le ministre de l’Intérieur ait déclaré en début de semaine que le Royaume-Uni était menacé de la pire manière depuis la Seconde Guerre mondiale : le ministre était donc au courant du complot quand il a évoqué le danger. Mais, pour ceux qui ne disposaient pas de cette information, l’alerte et l’opération d’hier (ndlr : leur compte rendu a été publié au lendemain de l’annonce du démantèlement de ce réseau) peuvent sembler une méthode cynique pour illustrer l’imminence d’un danger. En outre, cette opération arrive juste au bon moment, alors que, cet après-midi, un rapport dénonçant l’état de nos troupes en Irak devait être discuté. Du coup, cette information et ce débat seront fort à propos occultés", écrivent Christian Tientcheu et Eric Glover.
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The Independent ne s’arrête pas là : " il faut rappeler que plusieurs collaborations entre les services secrets britanniques et américains ont donné lieu à des manipulations médiatiques, comme pour les armes de destruction massive en Irak, l’histoire des réservoirs à Heathrow ou l’attaque à l’aube à Forest Gate (où des musulmans accusés de terrorisme avaient été arrêtés en grande pompe, avant d’être discrètement relâchés car il n’y avait rien à leur reprocher). Sans compter la version totalement fausse de la mort du Brésilien Jean Charles de Menezes, présentée comme un courageux acte antiterroriste alors qu’il s’agissait d’une bavure policière. Au final, si nous pensons instinctivement que le gouvernement nous doit plus de précisions et d’informations sur cette opération et ses côtés obscurs, il ne doit s’en prendre qu’à lui-même."
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Et le quotidien The Guardian suit la même logique sceptique de The Independent : "La confiance du peuple dans son gouvernement est un fondement nécessaire de la lutte d’une société contre le terrorisme. Nous devons croire que nos dirigeants agissent de bonne foi. Malheureusement, la situation actuelle est telle que nous ne pouvons que nous demander en qui placer notre confiance. Outre les affaires de Menezes et Forest Gate, il est bon de rappeler que, après les attentats du 7 juillet 2005 dans le métro de Londres, la police avait affirmé que ces attaques avaient été commises par des individus inconnus des autorités. Nous savons aujourd’hui que c’était faux, que certains étaient connus des services de sécurité, qui avaient omis de prêter attention aux paroles de l’un des terroristes annonçant clairement ce qu’il allait faire. De toutes ces affaires, y compris le supposé complot déjoué hier, nous pouvons retenir que nous devons largement améliorer l’efficacité de nos services secrets afin de restaurer la confiance nécessaire. Et que, en outre, tout ce que le gouvernement a fait à ce jour pour lutter contre la menace réelle du terrorisme n’a fait qu’aggraver les choses."
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Quel serait alors le but du gouvernement en agissant de la sorte ?
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Le lendemain des arrestations de Londres, le quotidien le plus lu d’Allemagne, le Bild-Zeitung, commentait :" Le Djihad, la guerre sainte contre les infidèles, la conquête du monde par l’islam représente une menace croissant de jour en jour (...). Le plus dangereux dans cette guerre est que même les enfants d’immigrés, qui grandissent chez nous dans la paix, se laissent contaminer par ce virus et se mettent à croire qu’ils doivent, en tant que ’Soldats d’Allah’, détruire les ennemis de la Foi. Ils se cachent également en Allemagne, parmi nous, des bombes invisibles au cour de notre société. Tout comme dans les années 1930, un groupe entier au sein de la population de notre pays est désigné à la vindicte populaire comme étant l’ennemi intérieur." Cruel parallèle. Le propos peut surprendre...
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Les journaux à sensation du groupe Springer en Allemagne fournissent une autre version que celle évoqué par The Guardian, qui fait intervenir le Mossad comme source supplémentaire : "Baalbek, début août : un commando israélien s’empare d’un hôpital. Le but initial est de débusquer des terroristes du Hezbollah mais - si l’on en croit des experts britanniques - lors de cette opération des agents des services secrets israéliens seraient tombés sur trois ordinateurs. Les disques durs contiennent des informations sur plus de 20 cellules terroristes en Angleterre. Tel Aviv, dimanche 6 août : au siège du Mossad tombe une information urgente envoyée depuis Islamabad : Al Qaïda vient de donner l’ordre à ses terroristes en Angleterre de se préparer à agir ! Peu de temps après le chef du Mossad informe son homologue des services secrets MI6." Science-fiction ? La revue de presse ne s’arrête pas là...
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Même la guerre menée au Liban pose "soudainement" question selon Courrier International : "(...) en s’appuyant sur des sources proches des milieux militaires et du renseignement, Seymour Hersh, du magazine The New Yorker, présente la campagne militaire israélienne au Liban sous un tout autre jour : l’enlèvement à la frontière israélo-libanaise de deux soldats de Tsahal par le Hezbollah n’aurait été qu’un prétexte. Selon le journaliste américain, bien avant cet événement, les responsables israéliens se sont rendus aux Etats-Unis pour s’assurer du soutien de l’administration Bush. Washington et en premier lieu le vice-président Dick Cheney a été convaincu qu’une campagne de frappes aériennes contre des complexes souterrains fortifiés du Hezbollah au Liban pourrait répondre aux soucis de sécurité d’Israël et servir aussi de prélude à une possible attaque préventive américaine visant à détruire les installations nucléaires de l’Iran, dont certaines sont également profondément enterrées. L’article de Seymour Hersh, publié une semaine avant sur le site du New Yorker, fait grand bruit (...)"
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Que reste-t-il aujourd’hui des annonces faites par Scotland Yard la semaine passée ? "A qui profite cette immense panique internationale ?" s’interroge Pyrron sur AgoraVox. "Le ’complot’ de Londres serait-il un montage destiné à créer un climat de panique ?". "Quelqu’un aurait-il (elle) trouvé des articles, questions ou commentaires dans des médias français (officiels ou alternatifs) sur le « complot » de Londres" demande l’auteur ? Peu ou pas.
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En effet, notre exercice de "revue de presse" recense essentiellement des publications étrangères. La presse étrangère s’interroge ; la presse française nullement semble-t-il (ou j’interprète mal l’édito du Monde discuté ici). Est-il si mal vu d’être sceptique, d’exprimer ses questionnements, de tenter de partager ses doutes ou ses interrogations ?
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Mon but n’est pas d’apporter des réponses - loin s’en faut - mais de susciter des débats et d’interroger ceux qui ont une opinion bien précise sur ces sujets. Je m’adresse donc "publiquement", à Jean-Pierre Chevènement, ancien ministre de la défense et de l’intérieur, probable ou possible candidat à l’élection présidentielle et signataire de la préface du livre de Jürgen Elsässer, qui remet en cause la version officielle du 11 septembre et qui nie aujourd’hui qu’un complot djihadiste ait réellement eu lieu à Londres la semaine passée. Je vais donc tenter à nouveau de l’interroger sur ses relations avec cet auteur et sur son opinion concernant ses affirmations et ses remises en cause. Je voudrais ainsi comprendre si Jean-Pierre Chevènement soutient une thèse précise, s’il regrette cette préface dont aucun média français ne s’est fait écho ou s’il souhaite nous parler des raisons qui selon lui expliquent ou justifient un tel mutisme de notre presse sur ces questions... Est-ce que Jean-Pierre Chevènement pense qu’il serait souhaitable que les candidats à la présidence en 2007 se positionnent par rapport à l’opportunité de réouvrir l’enquête sur le 11 septembre entachée de nombreuses zones d’ombres ? Est-ce qu’il pense qu’il faudrait réouvrir ce dossier notamment via une enquête internationale ou européenne ? Est-ce qu’il n’a pas peur, qu’on le traite de "conspirationniste à la Meyssan" ? Est-ce que d’autres hommes politiques partagent sa vision ? Voilà ce que j’aimerais lui demander....
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Et vous quelles seraient les questions que vous souhaiteriez poser au Che’ ?
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J’ouvre ici le débat. Peut-on être convaincu de la vérité des informations communiquées en matière de terrorisme international ? Doit-on à tout prix éviter de remettre en cause la "voix officielle" ? Et au sujet de Jean-Pierre Chevènement, qu’est ce que ses positions vous inspirent ? Répondra-t-il à mes questions ? Et pourquoi cette caution, apportée par un ancien ministre à des propos condamnés si vivement par ailleurs, n’intéresse-t-elle absolument pas la presse française pourtant si friande de polémiques politiciennes en tout genre ?
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Egger Ph.