"Le mensonge et la crédulité s'accouplent et engendrent l'Opinion" Paul Valéry

2 août 2022

Les États-Unis disent avoir éliminé Ayman al-Zawahiri (71 ans), le 2 mai 2022 à Kaboul

 

Ayant longtemps été le numéro deux d’al-Qaïda avant d’en prendre la tête à la mort d’Oussama ben Laden, tué le 2 mai 2011 à Abbottabad [Pakistan] lors d’un raid conduit par les Navy Seals américains, l’égyptien Ayman al-Zawahiri a régulièrement fait l’objet de rumeurs au sujet de son état de santé.

« Le statut du chef d’al-Qaïda, Ayman al-Zawahiri, est inconnu. S’il est en vie, plusieurs États membres estiment qu’il est malade, ce qui pose un grave problème de commandement » à l’organisation terroriste, avançait un rapport du groupe d’experts des Nations unies sur la mouvance jihadiste, publié en juillet 2021. Soit quelques jours avant le retour des talibans à Kaboul…

Justement, la nouvelle donne en Afghanistan a requinqué le chef jihadiste.. Ou du moins lui a-t-elle permis de retrouver une certaine liberté de mouvement puisque celle-ci a coïncidé, selon le dernier rapport du groupe d’experts, diffusé le mois dernier, avec « l’aisance et la capacité de communication apparemment accrues d’al-Zawahiri ».

« Au cours de la période considérée, al-Zawahiri a multiplié les messages vidéo et audio à l’intention des partisans d’al-Qaida, faisant notamment une déclaration dans laquelle il promettait qu’al-Qaida avait les moyens de rivaliser avec l’État islamique [EI ou Daesh] afin d’être à nouveau reconnu comme le fer de lance d’un mouvement mondial », est-il ainsi souligné dans ce document.

Depuis le départ des forces occidentales de Kaboul, la direction d’al-Qaïda ont ainsi de nouveau retrouvé refuge en Afghanistan, alors que, dans les cadre des accords de Doha [février 2020], les talibans s’étaient engagés à ne pas permettre son retour…

Cela étant, d’après le rapport de l’ONU, « al-Qaida n’est pas considéré comme une menace immédiate au niveau international depuis son refuge en Afghanistan car elle ne dispose pas d’une capacité opérationnelle extérieure et ne souhaite pas, pour l’heure, causer de difficultés ou d’embarras aux talibans sur la scène internationale ». Du moins pour le moment…

De leur côté, après leur retrait de Kaboul, les États-Unis ont lancé l’opération « Enduring Sentinel » [OES] afin de contrer les menaces terroristes pouvant provenir d’Afghanistan. Menée sous l’autorité de l’US CENTCOM [le commandement militaire américain pour l’Asie centrale et le Moyen-Orient], elle repose sur un quartier général établi à Doha [Qatar] ainsi que sur des unités du commandement des opérations spéciales [USSOCOM].

Or, comme l’a souligné un rapport de l’inspection générale du Pentagone, sorti en mars dernier, l’opération Enduring Sentinel se heurte à plusieurs difficultés, dont l’absence de présence « physique » en Afghanistan [et donc la perte de moyens de « renseignement humain » sur le terrain] et la nécessité de demander des autorisations de suvol des territoires des pays voisins, comme le Pakistan, pour éventuellement mener des frappes aériennes.

Or, dans la nuit du 1er au 2 août, le président américain, Joe Biden, a annoncé qu’une frappe américaine venait d’éliminer Ayman al-Zawahiri (71 ans), alors que celui-ci se trouvait à Kaboul, avec sa famille.

« Samedi [30 juillet], sur mes ordres, les États-Unis ont mené à bien une frappe aérienne sur Kaboul, en Aghanistan, qui a tué l’émir d’al-Qaida, Ayman al-Zawahiri », a en effet déclaré M. Biden, depuis la Maison Blanche. « Justice a été rendue et ce dirigeant terroriste n’est plus », a-t-il ajouté.

« Cette année, nous avons déterminé que la famille de Zawahri – sa femme, sa fille et ses enfants – avait déménagé dans une maison sécurisée à Kaboul. […] Nous avons ensuite identifié Zawahri sur place à Kaboul en superposant plusieurs flux de renseignements » et son « habitude de prendre l’air sur son balcon a permis de l’observer et de confirmer son identité », a expliqué un haut responsable américain. Ce qui veut dire que les États-Unis disposaient de moyens de renseignement sur place…

Quoi qu’il en soit, cette opération a été menée par la CIA, qui a utilisé un drone armé apparemment de deux missiles AGW-114R9X. Dérivé du Hellfire de Lockheed-Martin, cette munition n’explose pas à l’impact. En revanche, elle déploie six longues lames tranchantes repliées dans sa coiffe peu avant d’atteindre sa cible. Ce qui lui vaut le surnom de « Ginsu volant ». Jusqu’à présent, elle avait surtout été utilisé contre des chefs jihadistes présents en Syrie.

À noter que les États-Unis n’avaient plus effectué de frappes en Afghanistan depuis celle ordonnée en août 2021 à Kaboul, laquelle avait tué, par erreur, un travailleur humanitaire innocent et neuf membres de sa famille.

La frappe contre al-Zawahiri a cependant quelques zones d’ombres. À commencer par le plan du vol du drone qui a été utilisé et dont le type n’a pas été précisé [s’agit-il d’un MQ-9 Reaper armé d’AGW-114R9X, comme en Syrie?]. Pour survoler Kaboul, il a forcément dû traverser l’espace aérien d’un pays voisin… sans doute celui du Pakistan. Avait-il eu l’autorisation de le faire [sachant que les autorités pakistanaises avaient été tenues à l’écart lors du raid mené contre Ben Laden, onze ans plus tôt]?

Reste maintenant à voir qui prendra la succession d’al-Zawahiri, dont la mort n’a pas encore été confirmé par al-Qaïda [les talibans ont fait état d’une frappe de drone à Kaboul… mais contre une maison vide, ndlr]. Ayant assuré l’intérim après la mort de Ben Laden, ancien officier des forces spéciales égyptiennes et vétéran du « jihad », Saïf al-Adel fait figure de favori. À moins que le centre de gravité de l’organisation terroriste ne se déplace ailleurs, comme au Sahel. Dans ce cas, Abou Oubaïda Youssef al-Annabi, le chef d’al-Qaïda au Maghreb islamique, pourrait prendre la suite.

Quoi qu’il en soit, al-Zawahiri est le deuxième chef d’une organisation jihadiste à avoir été éliminé par les États-Unis en l’espace de six mois. Pour rappel, en février, Abou Ibrahim al-Hachimi al-Qourachi, « l’émir » de Daesh, a été tué lors d’une opération des forces spéciales américaines alors qu’il se cachait à Atmeh, dans la province syrienne d’Idleb.

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