À moins d’un mois des commémorations du vingtième anniversaire des attentats du 11 septembre 2001, le retour au pouvoir des talibans en Afghanistan constitue une gifle pour les Américains. La crainte d’une reprise des actes terroristes et la réalisation de l’impuissance des États-Unis à pacifier ce territoire, en dépit des promesses autrefois faites par George W. Bush, déclenchent la colère.
« La chute rapide des forces de sécurité afghanes et du gouvernement d’Ashraf Ghani a été un choc pour Biden et les hauts responsables de son administration, qui pensaient encore le mois dernier qu’il s’écoulerait plusieurs mois avant que le gouvernement civil de Kaboul ne tombe : ce qui laissait assez de temps après le départ des troupes américaines, avant que toutes les conséquences du retrait ne soient dévoilées », analyse la chaîne télévisée CNN. « Maintenant, des mois après sa déclaration initiale selon laquelle les 2 500 soldats américains seraient hors d’Afghanistan d’ici la fin de l’été, 6 000 soldats sont appelés à la rescousse pour faciliter l’évacuation. Et les responsables admettent franchement qu’ils ont mal calculé. Ce départ est une débâcle ».
Selon USA Today, « Biden enregistre sa plus grande défaite politique et constate l’échec de sa diplomatie » avec l’échec en Afghanistan. Le quotidien national va plus loin en indiquant que « la formule de Joe Biden selon laquelle 'America is Back' (N.D.L.R., l’Amérique est de retour) n’a jamais été aussi fausse et injustifiée ».
Pour enfoncer le clou, USA Today rappelle « après deux décennies, des milliers de vies américaines perdues et des milliards de dollars dépensés, les efforts des États-Unis n’ont servi à rien. Il ne s’agit pas d’un effondrement du gouvernement afghan, mais d’une désintégration de la politique internationale de cinq présidents ».
Habituellement mesuré, le Washington Post éreinte également le 46e président des États-Unis. « Pendant que les villes afghanes tombaient comme des dominos aux mains des talibans et que les diplomates américains semblaient de plus en plus menacés, le plan du président Biden pour une fin ordonnée de la plus longue guerre des États-Unis s’effondrait rapidement […] L’urgence confinant à la panique a révélé comment la stratégie du président pour mettre fin à l’effort militaire américain de vingt ans – à savoir laisser les forces afghanes retenir les talibans pendant des mois pour permettre aux négociateurs de redoubler d’efforts en vue de conclure un accord de paix – s’est effilochée et a finalement heurté un mur ».
De son côté, la chaîne télévisée Fox News, très marquée à droite, n’a pas manqué de souligner l’échec de la nouvelle administration : « Le président Biden s’est 'endormi au volant' en passant le week-end à Camp David, tandis que les talibans achevaient leur prise de contrôle de Kaboul ». Et d’ajouter : « Aujourd’hui, Joe Biden vit son Saïgon. Cette évacuation est honteuse, peureuse et n’aurait jamais pu être imaginée, même dans nos pires cauchemars ».
En avril dernier, le président américain avait pourtant affirmé : « Il n’y aura aucune circonstance où vous verrez des gens être soulevés du toit » de l’ambassade américaine à Kaboul, en évoquant le retrait complet des forces américaines le 11 septembre.
« Son optimisme s’est avéré n’être qu’une erreur de calcul de plus commise par les administrations américaines au cours des 20 dernières années », déplorent à peu près dans les mêmes termes le Wall Street Journal et le New York Times. « Nos interventions extérieures se terminent souvent en queue de poisson, mais nous continuons à commettre les mêmes erreurs. Nous ne tirons pas les leçons du passé ».
Moins tendre, dans un éditorial, le Wall Street Journal accuse : « La déclaration du président Biden, samedi, se lavant les mains de l’Afghanistan mérite d’être considérée comme l’une des plus honteuses de l’histoire par un commandant en chef à un tel moment de retraite américaine. […] M. Biden a envoyé une confirmation de l’abandon des États-Unis qui se dégageait de toute responsabilité, rejetait le blâme sur son prédécesseur et invitait plus ou moins les talibans à prendre le contrôle du pays […] Notre objectif depuis le début a été d’offrir des conseils constructifs pour éviter ce résultat. Nous avons critiqué l’accord de Donald Trump avec les talibans et mis en garde contre les risques de son envie de se retirer dans la précipitation, et nous avons fait de même pour M. Biden. Les conseillers du Président ont proposé une alternative, tout comme le Groupe d’étude sur l’Afghanistan. M. Biden, comme toujours trop assuré de son propre sens de la politique étrangère, a refusé d’écouter. L’autojustification de M. Biden samedi illustre son honnête malhonnêteté ».
Les éditorialistes de Fox News n’ont, par ailleurs, pas retenu leurs coups, relayant la pensée des élus républicains. « Les législateurs craignent que l’équipement et les armes modernes fournis par les États-Unis aux forces afghanes soient désormais entre les mains des talibans. Le départ penaud de nos troupes signifie aussi que nous avons laissé du matériel, des documents, des vivres, des médicaments, à des terroristes qui les utiliseront contre nous ».
La chaîne a cependant tempéré son propos en relayant l’opinion du secrétaire à la Défense, Lloyd Austin, lequel a déploré « l’absence de résistance des forces afghanes qui n’ont pas souhaité s’engager dans un combat contre les talibans ». Un constat résumé dans une phrase assassine à l’adresse des forces de sécurité : « Vous ne pouvez pas acheter la volonté et vous ne pouvez pas acheter le leadership ».
William Jefferson Clinton
dit Bill Clinton