Alia Ghanem Ben Laden
Dans une interview au Guardian, Alia Ghanem décrit les sentiments ambivalents qu’elle ressent envers son aîné, Oussama Ben Laden. Entre déni et honte, un fils aimé et aimant devenu terroriste.
A jamais, le nom d’Oussama Ben Laden restera attaché à l’essor du terrorisme djihadiste, aux horreurs du 11 septembre 2001. Mais pour Alia Ghanem, Oussama demeurera son fils aimé, ce « très bon garçon [qui] m’aimait tellement ».
Entre les attentats de New York et Washington en 2001 et la mort du chef d’Al-Qaïda au Pakistan en 2011, la famille Ben Laden est restée discrète. Ce vendredi, The Guardian publie une interview inédite. Pour la première fois, Alia Ghanem, entourée de ses fils et son époux, parle d’Oussama Ben Laden.
Ce qui a changé la donne, explique le journaliste, c’est l’arrivée de Mohammed ben Salmane aux commandes de l’Arabie Saoudite. Le jeune prince souhaite moderniser l’image du royaume. En acceptant cette interview, écrit l’auteur, le royaume saoudien comme la famille Ben Laden espèrent laver leur nom. « Démontrer que Ben Laden était un proscrit, pas un agent » du pays.
Un « bon garçon » victime d’un « lavage de cerveau »
Voilée de rose, un cadre de son fils aîné à ses côtés, Alia Ghanem se remémore un enfant timide et studieux. « Très intelligent. Très bon à l’école. Il aimait vraiment étudier ».
C’est dans sa vingtaine que le jeune Oussama, explique sa mère, se radicalise. Il étudie alors l’économie à l’université de Djeddah. « Les gens de l’université l’ont changé », fustige-t-elle.
« C’était un très bon garçon jusqu’à ce qu’il rencontre des gens qui lui ont lavé le cerveau dans sa vingtaine. […] Je lui disais toujours de rester loin d’eux, il ne m’avouait jamais ce qu’il faisait parce qu’il m’aimait tellement. »
Au départ, « nous étions très fiers »
Lorsque Oussama Ben Laden part combattre les Russes en Afghanistan, au début des années 1980, il est « très respecté » de tous, raconte son frère Hassan. « Nous étions très fiers de lui. […] Et puis arriva Oussama le moudjahidin », assène-t-il. Religieux fanatique, il mue en djihadiste. Leur dernière rencontre date de 1999, en Afghanistan.
Jamais, jure Alia Ghanem, elle n’a suspecté le djihadiste caché en son fils. Quand elle l’a su, « on était bouleversé, commente-t-elle. Je ne voulais pas que cela arrive. »
Les sentiments envers cet aîné déchu restent ambivalents. « Je suis très fier de lui dans le sens où il est mon grand frère, essaie d’expliquer Hassan. Il m’a beaucoup appris. Mais je ne crois pas être fier de lui en tant qu’homme. Il a atteint la célébrité mondiale, mais tout cela n’a servi à rien. »
Entre déni et honte
Une fois Alia Ghanem retirée dans une autre pièce, son fils Ahmad nuance le propos. « Cela fait dix-sept ans maintenant [depuis le 11 septembre] et elle reste dans le déni à propos d’Oussama. […] Elle l’aime tellement et elle refuse de le blâmer. A la place, elle blâme les gens autour de lui. »
Le 11 septembre 2001, la famille a vite compris qui était le commanditaire des attentats, explique Ahmad. « Du plus jeune au plus vieux, nous avons tous eu honte de lui. »
Désormais, les Ben Laden vivent à Djeddah, dans une riche demeure, signe de leur fortune et de leur influence en Arabie saoudite. Ils peuvent aller et venir plus librement que pendant les années suivant les attentats.
Mais une ombre grandit. Celle d’Hamza, 29 ans, plus jeune fils d’Oussama Ben Laden. Considéré comme un terroriste par les Etats-Unis, il serait actuellement en Afghanistan. Son oncle Hassan le déplore : « Si Hamza était devant moi maintenant, je lui dirais : “ Dieu te guide. Réfléchis à deux fois à ce que tu fais. Ne reprends pas les pas de ton père. Tu entres dans des parties horribles de ton âme. ”