"Le mensonge et la crédulité s'accouplent et engendrent l'Opinion" Paul Valéry

15 novembre 2013

La NSA utilise le 11-Septembre comme principal argument pour justifier la surveillance


Le Général Keith Alexander, directeur de la NSA,
 lors de sa déposition devant le Congrès, il y a quelques mois.



Un document interne recommande que les officiels invoquent la crainte des attentats lorsqu’ils doivent justifier les programmes de surveillance de l’Agence. 

Selon un document listant les principaux sujets de discussion relatifs à la NSA, l’Agence a conseillé à ses collaborateurs d’invoquer les attentats du 11-Septembre pour justifier ses activités de surveillance massive.
Le document, obtenu par Al Jazeera grâce à la Loi sur la Liberté de l’Information (FIOA – Freedom of Information Act), contient des sujets de discussion et des recommandations pour les Agents de la NSA amenés à répondre aux questions suite aux révélations de l’ancien analyste de la NSA Edward Snowden.

Invoquer les événements du 11-Septembre pour justifier les programmes controversés de la NSA, qui ont entraîné d’importantes retombées diplomatiques un peu partout dans le monde, était l’élément fondamental parmi tous les arguments que les agents de la NSA étaient encouragés à utiliser.

Sous le paragraphe "Les petites phrases qui marquent", le document suggère la formulation suivante : "Je préfère de loin être ici aujourd’hui à vous expliquer en quoi consistent ces programmes, plutôt qu’avoir à m’expliquer sur un autre 11-Septembre que nous n’aurions pas pu empêcher."

Le Directeur de la NSA, le Général Keith Alexander, a utilisé une version légèrement différente de cet argument lorsqu’il a témoigné devant le Congrès le 18 juin dernier pour défendre les programmes de surveillance de l’Agence.

Lorsqu’il lui a été demandé de commenter ce document, le responsable de la Communication de la NSA, Vanee M. Vines, a renvoyé Al Jazeera au témoignage d’Alexander devant le Comité sur le Renseignement de la Chambre des Représentants le 29 octobre dernier et a indiqué que l’Agence n’avait rien à ajouter. Conformément aux thèmes listés dans le document, le chef de la NSA a déclaré aux parlementaires que "il est bien plus important pour ce pays que nous défendions la nation, quitte à prendre des coups, plutôt que de renoncer à ce programme, avec comme conséquences des attaques contre la nation."

Les sceptiques ont noté depuis longtemps la tendance des hommes politiques haut placés et des spécialistes de la sécurité à utiliser la crainte d’attentats comme celui qui a tué près de 3000 américains pour justifier des politiques qui vont de l’accroissement des dépenses de la défense à l’invasion de l’Irak.

Al Jazeera a obtenu les 27 pages du document de la NSA cette semaine en réponse à une demande effectuée le 13 juin dans le cadre de la Loi sur la Liberté de l’Information (FOIA). Cet argumentaire avait été préparé pour permettre aux Agents de la NSA de répondre aux questions du Congrès ou des médias concernant les révélations contenues dans les documents classifiés que Snowden a transmis aux journalistes Glenn Greenwald, Barton Gellman, et d’autres.

Une lettre accompagnant ce document précise que les sujets de discussion qu’il contient "ont été préparés et approuvés pour être utilisés par un Agent mais ne représente pas nécessairement ce que cet Agent dira réellement."

La NSA n’a pas encore retourné à Al Jazeera les documents qui ont été utilisés pour préparer ce référentiel, indiquant que des contrôles supplémentaires étaient nécessaires avant de pouvoir les rendre publics.

Les attentats du World Trade Center et du Pentagone apparaissent également en tête d’un autre chapitre intitulé "Les fuites dans les médias en bref" qui contient 13 points essentiels pour expliquer la logique qui sous-tend les programmes de surveillance. Ces points incluent les arguments suivants : "La première responsabilité est de défendre la nation" et "La NSA et ses partenaires doivent être en mesure de faire les rapprochements nécessaires permettant de s’assurer que la nation ne sera plus jamais attaquée comme elle l’a été le 11-Septembre."

Sous le chapitre intitulé "Nous devons établir les liens", le document explique que "après le 11-Septembre, nous avons apporté de nombreuses modifications et ajouté de nouvelles fonctionnalités pour nous permettre de faire les rapprochements nécessaires."

Cependant, les informations qui émanent des documents de Snowden révèlent que la surveillance a été effectuée à une échelle qui va bien au delà de ce qui est nécessaire pour surveiller d’éventuels agresseurs. Par exemple, le programme "Collecte de données pour le Chef de l’Etat" aurait inclus la surveillance du téléphone mobile de la Chancelière allemande Angela Merkel.

Le référentiel de la NSA conseille aux Agents d’insister sur le mot "légal" lorsqu’ils discutent des programmes de surveillance de la NSA et de préciser que "nos alliés en ont bénéficié … tout autant que nous."

Le document poursuit : "Nous pensons que plus de 100 nations sont capables de collecter des renseignements à partir des transmissions et de mettre en œuvre un système légal d’écoutes téléphoniques qui leur permet de surveiller les communications."

Des contestataires ont remis en cause la véracité de l’affirmation selon laquelle la NSA aurait déjoué plus de 50 attaques "potentielles". Ils indiquent qu’il n’y a aucune preuve permettant d’étayer ces affirmations.
On conseille aux agents de la NSA de répondre aux questions relatives à d’éventuelles violations des libertés civiles en citant le point du référentiel qui précise qu’il n’y a eu aucune "violation délibérée" et que la NSA s’engage à "défendre la vie privée et les libertés civiles des citoyens américains."