intention ou incompétence ?
Bien que l’enchaînement des actions menées par la CIA le jour du 11-Septembre soit difficile à reconstituer, un début d’analyse laisse clairement apparaître que l’Agence est allée d’échec en échec, et que ces échecs ont permis aux attentats de se produire. Le point crucial qui fait l’objet de discussions depuis 10 ans est de savoir si ces échecs furent délibérés ou s’ils sont dus à une surcharge de travail ou à de l’incompétence. Pour rendre un jugement éclairé, il faut prendre le temps d’examiner tous ces échecs, de les remettre dans l’ordre et d’analyser ce que tout cela signifie.
Le problème le plus évident réside sans aucun doute dans le périmètre même des défaillances de la CIA. Il n’y a pas eu simplement des erreurs faites par quelque obscur néophyte, mais une véritable chaîne de défaillances. Comme l’a commenté Tom Wilshire, l’un des responsables-clés de la CIA impliqué dans la dissimulation de l’information lors de l’enquête du Congrès : « Dans l’année et demie qui vient de s’écouler, tout ce qui devait mal se passer s’est mal passé. Tous les processus qui avaient été mis en place, toutes les sécurités, tout le reste, tout a échoué à chaque fois que c’était possible. Rien ne s’est passé comme prévu. »
En outre, certains échecs sont extrêmement graves. Par exemple, le manquement avoué par l’unité de la CIA appelée Alec Station dédiée à Ben Laden, d’informer George Tenet, le directeur de la CIA, que le pirate de l’air Khalid Al-Mihdhar (qui était à bord du Vol77), se trouvait aux États-Unis en août 2001, va au-delà de toute compréhension. Ajoutés à cela, des échecs ont été commis par un petit groupe d’officiers du renseignement, centré autour de Wilshire et de son patron, Richard Blee, qui s’était focalisé sur quelques membres d’al-Qaïda, en particulier sur Al-Mihdhar et son partenaire Nawaf Al-Hazmi. Enfin, l’un des officiers qui a dissimulé des renseignements l’a admis publiquement, un second l’aurait fait en privé, et certains documents qui ont survécu contredisent « l’excuse de l’incompétence ».
L’histoire de la CIA et du pré-11-Septembre commence à la fin du mois de décembre 1999, quand la NSA intercepte une communication d’al-Qaïda, apparemment entre Al-Mihdhar et Khallad ben Attash, l’associé de Ben Laden qui se trouve aujourd’hui à Gitmo (NdT : Guantanamo). L’un des deux appelait du Centre des opérations d’al-Qaïda au Yémen, centre que la NSA surveillait depuis un certain temps. La communication indiquait qu’un groupe d’al-Qaïda allait bientôt se rendre à Kuala Lumpur en Malaisie. La NSA transmit l’information à la CIA et au FBI.
La CIA suivit Al-Mihdhar du Yémen jusqu’à une escale à Dubaï aux Émirats Arabes Unis où une photocopie de son passeport fut faite. Les responsables américains découvrirent qu’il disposait d’un visa américain depuis quelques mois et que celui-ci expirait en avril 2000. Cette information fut rapportée aux différents services de la CIA impliqués dans l’opération de filature, et à la Alec Station au siège de la CIA le 5 janvier 2000.
Un employé du FBI nommé Doug Miller lut les câbles qui lui parvenaient du terrain et rédigea un message destiné au FBI pour leur dire qu’Al-Mihdhar était en possession d’un visa américain. Le FBI est un organisme axé vers le national, et donc si ce n’était le visa américain, Al-Mihdhar était juste un terroriste étranger à l’étranger, et ne suscitait pas d’inquiétude particulière. Mais le visa américain aurait pu rendre Al-Mihdhar intéressant pour le Bureau. Une agente de la CIA que l’on appellera «Michael» demanda alors à Miller de ne pas envoyer le message tout de suite, expliquant que Wilshire voulait tenir ça à distance – personne sous Wilshire n’avait le pouvoir de fournir ces informations au FBI.
Quelques heures après qu’elle eut bloqué le câble de Miller destiné au FBI, Michael envoya un câble en indiquant que le FBI avait bien reçu l’information sur le visa d’Al-Mihdhar. Ce n’était pas vrai, et Michael devait le savoir à ce moment-là.
Vous ne trouverez pas cet épisode dans le texte principal du Rapport de la commission sur le 11-Septembre. Malgré son importance évidente, la Commission l’a relégué en note de bas de page, numéro 44 du chapitre 6 (voir aussi Note de bas de page)
Miller se retourna alors vers un collègue du FBI, Mark Rossini, qui alla demander à Michael ce qui se passait. Selon Rossini, Michael indiqua que le FBI n’aurait pas l’information tant que la CIA ne le souhaitait pas, et que le prochain attentat d’al-Qaïda se produirait en Asie du Sud-Est.
En outre, selon plusieurs officiers de la CIA interrogés par l’inspecteur général de l’Agence, il était de pratique courante de confirmer que le Bureau avait reçu ce genre d’information. Cela n’a pas été fait.
Environ une semaine plus tard, Miller envoya un email à Wilshire demandant s’il pouvait désormais diffuser le message au FBI. Il ne reçut aucune réponse.
Après le 11-Septembre, les enquêteurs furent incapables de retrouver l’ébauche de câble de Miller pendant près de deux ans et demi, et les personnes impliquées avaient tout oublié. Il fut retrouvé début 2004, ce qui nécessita d’interviewer à nouveau les fonctionnaires concernés. Toutefois, ils réaffirmèrent n’en avoir aucun souvenir.
Rossini (ci-contre) a commencé à parler plus librement de ce qui s’était passé à Lawrence Wright en 2006 pour son livre The Looming Tower (publié en français che R.Laffont, La Guerre Cachée – NdT), dans lequel il explique qu’un responsable anonyme de la CIA a dit Miller : "Ce n’est pas le problème du FBI." Rossini ayant ensuite quitté le Bureau en disgrâce, il fournit en 2008 un compte-rendu complet de ce qui était arrivé alors, à l’auteur James Bamford et au journaliste Jeff Stein. Selon Rossini, il n’avait eu aucun problème de mémoire lors de son interrogatoire par les enquêteurs, il avait simplement choisi de mentir sous la pression de la CIA. Rossini expliqua également qu’il y avait un surveillant dans la salle lors de l’entrevue, une situation tristement typique des enquêtes post-11-Septembre.
Le même jour où le câble de Miller fut bloqué, un officier de la CIA prêté au FBI que nous appellerons «Robert» informa deux collègues du FBI à propos de ce que la CIA savait sur la réunion en Malaisie. Robert leur raconta à peu près tout ce que la CIA savait, sauf le point crucial qui aurait permis au FBI de réagir et de prendre note, à savoir qu’Al-Mihdhar était en possession d’un visa américain. Robert dit alors à un autre officier de la CIA détaché au Bureau qu’il n’était pas nécessaire d’informer le FBI au sujet de la Malaisie parce qu’il l’avait déjà fait, assurant cet officier qu’il n’aurait pas laissé passer l’information sur le visa d’Al-Mihdhar.
Pendant ce temps, en Malaisie, la CIA et un service de renseignement malaisien local poursuivaient Al-Mihdhar, Al-Hazmi et leurs contacts. De nombreuses photos furent prises, les participants à la réunion furent filmés dès le premier jour; les participants se rendirent dans un cybercafé pour utiliser des ordinateurs, et les responsables du renseignement en profitèrent ensuite pour les examiner. Cependant, une tentative de piéger la réunion échoua.
La liste complète des participants n’est pas connue. Mais en plus d’Al-Mihdhar et Al-Hazmi, nous savons que deux radicaux de premier plan, ben Attash et Hambali, un leader d’al-Qaïda affilié au Jemaah Islamiyah, étaient présents, ainsi que plusieurs autres militants de moindre importance. Selon l’expert du contre-terrorisme Rohan Gunaratna et selon un document du Pentagone sur Hambali, Khalid Sheikh Mohamed (ci-contre), le "cerveau" du 11-Septembre était là aussi. Si c’est vrai, cela rend pour le moins bizarre l’échec de la CIA à piéger cette rencontre (l’Agence le recherchait activement afin de le présenter à la justice de New York pour son implication dans le complot Bojinka de 1995 qui prévoyait de faire exploser plusieurs avions en vol.)
Le 8 janvier, Al-Mihdhar, Al-Hazmi et ben Attash quittèrent Kuala Lumpur pour Bangkok en Thaïlande. La CIA affirme qu’elle les a perdus à ce moment-là, échouant à envoyer à temps des agents à l’aéroport pour les suivre. Cette affirmation doit être prise avec des pincettes (ben Attash avait été "écouté" en Malaisie passant un appel vers l’Hôtel Washington de Bangkok, où les trois hommes s’étaient installés : il ne devait donc pas être très difficile de les trouver là.
Quelque chose d’étrange s’est produit à la Alec Station les 12 et 14 janvier. Quatre jours après que les trois hommes eurent quitté Kuala Lumpur, Richard Blee, le patron de Wilshire informa ses supérieurs, y compris vraisemblablement le chef principal du contreterrorisme, Cofer Black, et le directeur de la CIA, George Tenet, de ce qui se passait. Il prétendit à tort que la surveillance en Malaisie suivait son cours. Deux jours plus tard, il donna une autre fausse information, en disant que la réunion avait été piégée et, encore une fois à tort, que les participants étaient toujours sous filature.
Cela ressemble à un puzzle. Il est difficile de croire que Richard Blee, qui gérait seulement quelques dizaines d’officiers, pouvait être aussi ignorant des différents câbles envoyés et reçus à propos des voyages à Bangkok. Alors pourquoi a-t-il choisi de désinformer ses supérieurs ? Cherchait-il véritablement à les tromper ? Ou bien, ses supérieurs lui avaient-ils dit ne pas vouloir de traces écrites les reliant à ce qui se passait ?
Le 15 janvier, la Alec Station abandonna définitivement l’affaire, sans même prendre la peine de rédiger un rapport complet sur la question. Toutefois, en février, un service de renseignement étranger proposa son aide pour Al-Mihdhar, cette offre est mentionnée dans le rapport d’enquête du Congrès sur le 11-Septembre, mais pas dans le rapport de la Commission sur le 11-Septembre. La réponse qui revint fut qu’aucune aide n’était nécessaire parce que la CIA était au cœur d’une enquête "pour déterminer ce qu’il en était." C’est un document-clé, car il contredit l’affirmation selon laquelle à cette date, la Alec Station avait tout oublié au sujet de ces deux hommes.
Toujours en février, une agence de la CIA (presque certainement celle de Kuala Lumpur) relança l’agence de Bangkok à propos d’Al-Mihdhar. Qu’est-ce qui lui était arrivé ? Bangkok resta silencieux pendant un certain temps, puis répondit qu’ils ne savaient pas, et qu’ils auraient des difficultés à en savoir plus. Comme la Thaïlande avait placé Al-Mihdhar et Al-Hazmi sous surveillance à la demande de la CIA à la mi-janvier, il est presque certain qu’ils savaient, ou pouvaient obtenir l’information sur simple appel téléphonique. Quelques semaines plus tard, Bangkok renvoya finalement une réponse par câble, également envoyé à la Alec Station, déclarant qu’Al-Hazmi avait pris un vol pour Los Angeles le 15 janvier avec un compagnon, qui n’était pas nommé, mais dont on sait que c’était en réalité Al-Mihdhar. L’absence de nom du compagnon est extrêmement étrange, le câble du 5 mars ayant été rédigé en réponse précisément à une question sur Al-Mihdhar, et donc Bangkok devait bien connaître son nom, alors pourquoi l’omettre ?
La Alec Station ne fit aucun usage de ce câble, perdant encore une fois l’occasion de mettre les deux hommes sur une liste de surveillance et d’en informer le FBI. Ce n’était pas la dernière fois que des défaillances allaient avoir lieu.
La façon dont les deux enquêtes principales, conduites d’une part par le Comité du renseignement du Congrès, et d’autre part par la Commission d’enquête sur le 11-Septembre, ont géré le câble du 5 mars est très instructive. Le rapport de la Commission sur le 11-Septembre n’y consacra que quelques lignes. En revanche, la Commission d’enquête du Congrès réalisa à quel point le sujet était important et repartit de zéro. Tenet fut interrogé publiquement et sous serment à ce sujet par le sénateur Carl Levin, et Tenet… eh bien, fut très loin de dire la toute vérité et rien que la vérité. Dans une réponse en cours d’interrogatoire, il affirma : « Je sais que personne n’a lu ce câble », et il répéta cette affirmation deux fois. En réalité, comme le public l’a appris cinq ans plus tard, au moins 50 personnes à la CIA avaient lu le câble. Il est difficile de croire que Tenet, qui a dû se préparer soigneusement à une si importante présentation devant le Congrès, ait pu penser que ce qu’il disait était exact. Et donc, la question est simple : qui essayait-il de couvrir ?
Note : La note de bas de page N°44 du chapitre 6 du Rapport de la Commission sur le 11/9 :
"CIA cable, ‘Activities of Bin Laden Associate (Flight 77 Hijacker) Khalid Revealed,’ Jan. 4, 2000. His Saudi passport — which contained a visa for travel to the United States — was photocopied and forwarded to CIA headquarters. This information was not shared with FBI headquarters until August 2001. An FBI agent detailed to the Bin Laden Unit at CIA attempted to share this information with colleagues at FBI headquarters. A CIA desk officer instructed him not to send the cable with this information. Several hours later, this same desk officer drafted a cable distributed solely within CIA alleging that the visa documents had been shared with the FBI. She admitted she did not personally share the information and cannot identify who told her they had been shared."
Traduction
Message de la CIA : ‘les activités de Khalid, un complice de Ben Laden (vol AA77) mises en évidence‘, 4 janvier 2000, son passeport saoudien – qui contenait un visa pour voyager aux USA – a été photocopié et transmis au quartier général de la CIA. Cette information n’a pas été partagée avec le quartier général du FBI jusqu’en août 2001. Un agent du FBI détaché à l’unité de la CIA en charge de Ben Laden (ndlr. Alec Station) a tenté de partager cette information avec des collègues au quartier général du FBI. Une cadre administratif de la CIA lui a demandé de ne pas diffuser ce message avec cette information. Plusieurs heures plus tard, la même femme cadre administratif a publié un message distribué seulement au sein de la CIA. Il affirmait que les documents relatifs au visa avaient été partagés avec le FBI. Elle a admis qu’elle n’avait pas personnellement partagé l’information et qu’elle ne peut pas identifier qui lui a dit qu’ils avaient bien été partagés.
Le degré d’incompétence de la CIA est allé bien au-delà du point de rupture
Dans la première partie de cette série nous avions vu qu’en janvier 2000, la CIA avait appris que le pirate de l’air du Vol 77, Khalid Al-Mihdhar, était en possession d’un visa américain, et nous avons détaillé la façon dont elle avait dissimulé cette information au FBI. A l’époque, cacher au FBI l’existence d’un ou deux terroristes pouvait constituer une erreur, mais cela n’avait rien d’extraordinaire. Cependant, cette rétention d’information a pris une toute autre dimension le 12 octobre 2000, lorsqu’al-Qaïda a bombardé l’USS Cole à Aden, au Yémen.
Bien qu’il n’existe aucune preuve définitive de l’implication d’Al-Mihdhar dans cet attentat, certains éléments circonstanciels le mettent en cause. Par exemple, il se trouvait à l’époque au Yémen, et selon toute vraisemblance en compagnie d’un des cerveaux de l’attentat, Khallad ben Attash (ci-contre, source FBI), et les poseurs de bombe ont appelé son numéro à Sanaa, même si [cela n’est pas une preuve puisqu’il s’agissait du] numéro du Centre de communication (Hub) d’al-Qaïda au Yémen, et que l’appel pouvait très bien être destiné à quelqu’un d’autre. Mais le lendemain de la première tentative [avortée] d’attentat d’al-Qaïda contre un bateau au Yémen, Al-Mihdhar avait quitté le pays et avait rencontré d’autres individus suspectés d’être impliqués dans cette opération. Il a également participé à l’élaboration d’un autre projet d’attentat qui devait frapper un navire à Singapour.
Les membres de l’équipe qui s’est rendue au Yémen pour enquêter sur les attentats appartenaient pour la plupart au FBI, mais certains appartenaient au Naval Criminal Investigative Service, et le bureau de la CIA stationné au Yemen était censé coopérer.
L’équipe était dirigée par les responsables du FBI, John O’Neill, décédé le 11/9, et Ali Soufan, devenu célèbre pour son opposition à la torture pratiquée par la CIA et l’armée américaine.
O’Neill et Soufan trouvèrent rapidement des preuves de l’implication d’al-Qaïda dans l’attentat grâce à la fois aux appels passés au Centre de communication où résidait Al-Mihdhar, et aux indices reliant l’attentat à ben Attash et à un autre dirigeant d’al-Qaïda, Abd al-Rahim al-Nashiri. Ben Attash et al-Nashiri étaient bien connus des services de renseignement américains. En effet, le nombre d’agents opérationnels de Ben Laden était si réduit que ces deux individus ont également joué un rôle dans les attentats de 1998 contre les ambassades US en Afrique orientale, un fait déjà connu des autorités américaines en 2000.
En enquêtant sur ben Attash, l’agent Soufan collecta des indices au sujet d’une réunion d’al-Qaïda quelque part en Asie du sud-est vers janvier 2000. Pensant que cela pouvait être important, il envoya en novembre 2000 une demande formelle à la CIA pour savoir si l’Agence était au courant d’une telle réunion.
La réponse fut qu’elle n’en savait rien.
Présents au sommet d’al-Qaïda en Malaisie : (du haut à gauche, en bas à droite)
Nawaf Al-Hazmi, Khalid Al-Mihdhar, Khalid Shaikh Mohammed
Khallad ben Attash, Abd al-Rahim al-Nashiri, Hambali.
Yazid Sufaat, Ramzi ben al-Shibh, Abu Bara al-Taizi.
[Source: FBI]
Ce n’est pas vrai, la CIA était au courant de cette réunion, elle avait filé les participants dans les environs de Kuala Lumpur pendant plusieurs jours.
Il est difficile de comprendre comment la CIA a pu tout simplement oublier ce qu’elle savait au sujet de la [réunion en] Malaisie. C’est encore plus incompréhensible lorsque l’on sait que Soufan n’a pas envoyé une, mais trois demandes, les deux dernières au printemps et à l’été 2001. Chaque demande se faisait plus précise que la précédente. Au final, Soufan a même fait le lien entre l’opération « USS Cole » et un téléphone public utilisé par les militants à l’extérieur de la copropriété de Kuala Lumpur, où s’était tenu le sommet malaisien d’al-Qaïda, et a demandé plus d’informations à la CIA sur ce téléphone public. L’Agence avait observé les participants sortir du bâtiment, en faire le tour pour aller téléphoner depuis la cabine, mais elle était déterminée à ne rien dire à Soufan avant le 11/9.
Les demandes de Soufan ont été rendues publiques dans un article de James Risen paru en avril 2004 dans le New York Times, quelques mois avant que la Commission sur le 11/9 et l’inspecteur général du département de la Justice – qui ont tous deux enquêté sur les actions du FBI avant le 11/9 – ne rendent leurs rapports. Pourtant, dans ces deux rapports, il n’est jamais fait mention de ces trois demandes. Aucune mention non plus dans les notes non-expurgées du rapport d’enquête du Congrès paru en 2002, ou encore dans le résumé analytique du rapport de l’inspecteur général de la CIA concernant les manquements de l’Agence. L’agent Soufan a été interviewé à trois reprises par la Commission sur le 11/9, laquelle a également examiné la documentation concernant l’enquête de l’attentat de l’USS Cole. Soufan était supposé témoigner publiquement lors d’une audience de la Commission sur le 11/9, mais cela n’a jamais eu lieu.
En étudiant plus en détail le cas de Khallad ben Attash, Soufan reçut le 22 novembre des autorités yéménites une photo d’une personne censée être ben Attash. Il l’a alors envoyée à l’ambassade américaine d’Islamabad au Pakistan via la CIA, afin de vérifier s’il s’agissait du même ben Attash qu’une source commune à la CIA et au FBI au sein d’Al-Qaïda avait déjà signalé dans un rapport. Le 16 décembre, un agent du FBI connu sous le nom de ‘Michael D.’, et un agent de la CIA connu sous le nom de ‘Chris’ ont montré la photo à un informateur que nous nommerons ‘Omar’. Chris a présenté la photo à Omar pendant que Michael D., qui ne parlait aucune des langues de la source, restait en dehors de la pièce. Lorsque Michael D. est revenu, Chris a de nouveau montré la photo, et Omar, en face de Michael D., l’a identifiée de nouveau comme étant celle de Khallad ben Attash. Le fait qu’Omar ait reconnu le Khallad ben Attash qu’il connaissait sur la photo qu’on lui a présentée, a été joint au dossier. Cela semble moins excitant que l’assassinat d’une personne avec un missile, mais il s’agit d’un véritable travail d’enquête policière.
Peu de temps après, un agent de la CIA dont l’identité n’est pas connue a rédigé un câble contenant des informations relatives à Khallad ben Attash et d’autres qui ne le concernaient pas. Le câble demandait aux responsables de partager avec le Bureau les informations non relatives à ben Attash, mais ne contenait aucune instruction concernant les informations sur ben Attash. De nouveau, cela semble faire partie d’un plan visant à dissimuler au FBI les éléments concernant certains terroristes, mais il n’est pas facile de déterminer si l’attention se focalisait sur ben Attash, Al-Mihdhar ou quelqu’un d’autre.
La CIA affirme qu’elle s’est en quelque sorte elle-même convaincue qu’Al-Mihdhar et ben Attash pouvaient en réalité ne faire qu’un. Cela, malgré le fait qu’elle posséda des photos des deux hommes montrant des traits du visage foncièrement différents. L’idée a germé au sein de l’agence d’envoyer à Islamabad une des photos du visage d’Al-Mihdhar prise en Malaisie pour que Chris et Michael D. la montrent à Omar. Toutefois, lorsque la photo est arrivée à Islamabad, elle était accompagnée d’une autre photo montrant Nawaf Al-Hazmi, [le 2e pirate de l'air présumé du Vol AA77, avec Al-Mihdhar - NdT] elle aussi prise à Kuala Lumpur. Chris et Michael D. ont rencontré Omar le 4 janvier 2001. Pendant que Michael D. était sorti de la pièce, Chris a montré les photos d’Al-Hazmi et d’Al-Mihdhar à Omar. Omar n’a pas reconnu Al-Mihdhar, mais a déclaré que la photo d’Al-Hazmi représentait en fait ben Attash. Bien que cela puisse paraitre étrange, les deux hommes ont en effet des traits du visage très semblables. Contrairement à la fois précédente, lorsque Michael D. revint dans la pièce, Chris n’a pas recommencé l’identification pour lui. En fait, il n’en a jamais parlé à Michael D. Il a ensuite rédigé trois câbles à propos de cette rencontre. Deux d’entre eux, dont l’un fut diffusé de manière déterminante au sein de la communauté du renseignement, ne faisaient aucune allusion à l’identification de ben Attash.
Celui qui mentionnait son identification n’a été envoyé qu’à la CIA.
Pourtant, il s’agissait là d’une information capitale pour l’Agence, car cela l’amenait à penser officiellement qu’un des responsables d’al-Qaïda qui avait mis au point l’opération ayant couté la vie à 17 Américains avait assisté au sommet malaisien. La CIA affirme qu’elle n’était pas au courant, mais il est difficile d’accréditer ces protestations d’ignorance.
Chris a transmis à l’antenne de la CIA à Sana l’information selon laquelle la photo représentait effectivement ben Attash, et que ce dernier avait donc bien assisté au sommet malaisien. L’antenne de la CIA était supposée travailler en étroite collaboration avec le FBI dans l’enquête sur le « USS Cole ». Lorsque l’antenne de Sana a été informé que ben Attash était bien présent au sommet malaisien, elle a omis d’en avertir le FBI. Elle a également oublié de le faire le lendemain, et les jours suivants, et ainsi de suite, jusqu’au 11/9. La Commission sur le 11/9 savait que l’information avait été envoyée à l’antenne de la CIA à Sana, mais cela ne figure nulle part dans son rapport. Il est difficile de concevoir une justification de bonne foi expliquant cette erreur.
Comme pour l’antenne de Sana, Alec Station a également omis de transmettre l’information aux collègues du FBI, et ce, malgré le fait que dès mi-janvier 2001, Chris avait demandé à ses homologues d’Alec Station de contacter le siège du FBI et de leur expliquer les développements récents.
Deux des agents de l’enquête sur le USS Cole, dont apparemment Soufan lui-même, se sont alors rendus à Islamabad pour qu’Omar puisse identifier formellement la première photographie de ben Attash, et pouvoir éventuellement l’utiliser dans une procédure pénale contre ben Attash. Chris était présent lorsqu’ils ont rencontré Omar, le 1er février 2001. Il n’a pas mentionné le fait qu’à peine quatre semaines auparavant, Omar avait vu ben Attash sur une photographie prise lors de la réunion en Malaisie. En fait, comme tous les autres agents de la CIA, il n’a fait aucune référence au sommet malaisien.
Cela constitue peut-être l’épisode le plus déconcertant des échecs du renseignement pré-11-Septembre. Si l’on considère les faits énoncés plus haut, quelque chose semble manquer, tout l’épisode consiste en une série d’inconnues et de questions sans réponses : pourquoi la CIA pensait-elle qu’Al-Mihdhar et ben Attash étaient la même personne ? Pourquoi envoyer à Islamabad la photo supplémentaire montrant Al-Hazmi ? Et qu’est-il arrivé entre la réunion au cours de laquelle Omar a identifié ben Attash sur la photographie yéménite, quand tout se déroulait sans problème, et la réunion suivante où Chris a de toute évidence sombré dans le coté obscur ?
L’explication qui collerait le mieux aux faits est la suivante : personne parmi ceux impliqués dans la rétention de l’information malaisienne vis-à-vis du FBI n’a réalisé le danger lorsque Soufan a envoyé la première photo à Islamabad, Chris a donc fait son travail de fonctionnaire payé par les deniers publics. Cependant, l’un des groupes de responsables [de la CIA] qui cachait ces informations au FBI a soudain réalisé que si Omar avait identifié ben Attash et que ce même ben Attash était associé à Al-Mihdhar et Al-Hazmi, alors Omar aurait pu également identifier les deux hommes si le FBI lui avait montré leurs photos. Par conséquent, il devenait nécessaire de vérifier le niveau de risque. L’affirmation selon laquelle Al-Mihdhar et ben Attash ne faisaient qu’un fut une simple ruse par laquelle une photo a pu être transmise rapidement à Islamabad pour être montrée à Omar. Si la photo d’Al-Hazmi est arrivée incognito, c’est en raison de l’inquiétude de voir Omar identifier également Al-Hazmi et en informer le FBI. La raison pour laquelle ni Chris, ni personne n’a informé le Bureau de l’identification apparente de ben Attash est que, eh bien, c’était une information que la CIA essayait de cacher au Bureau depuis un an, alors pourquoi la leur révéler maintenant ?
C’est un truisme de dire que les opérations de renseignement qui s’étalent sur une longue période capotent, elles le font souvent pour les raisons les plus étranges, et cela en est un exemple parfait. Personne n’aurait pu anticiper qu’Omar verrait la photo d’Al-Hazmi et dirait que c’était ben Attash, mais cela s’est effectivement produit.
A ce moment-là, Alec Station fut contrainte de conserver des informations cruciales sur l’attentat contre l’USS Cole, et s’est emmêlé les pinceaux dans la façon de transmettre ces informations jusqu’au jour du 11/9. Le degré d’incompétence dans la rétention d’informations concernant Al-Mihdhar, Al-Hazmi et ben Attash, est allé au-delà du point de rupture, mais l’affaire est loin d’être finie, et des choses bien pires se sont produites vers la fin du printemps et pendant l’été 2001. Ces événements feront l’objet de la troisième partie de cette série.
L’engueulade
Peu de temps après que la CIA eut omis de répondre ouvertement à une deuxième demande formelle de renseignements faite par l’agent du FBI Ali Soufan en avril 2001 au sujet de l’attentat du Cole, les câbles de la CIA rédigés au sujet du sommet en Malaisie étaient en cours de relecture à Alec Station. L’examen était conduit par Tom Wilshire (ci-contre), chef adjoint d’Alec Station et une des figures-clés de la rétention de l’information à la source, ainsi qu’une agente de la CIA dont le nom est inconnu. Tous deux relisaient des câbles de l’année précédente expliquant que ledit Al-Mihdhar avait un visa américain et qu’al-Hazmi avait pris un vol vers Los Angeles avec un compagnon. Cependant, aucun des deux ne prit les mesures appropriées, c’est-à-dire mettre sous surveillance les activistes de la Malaisie et alerter le FBI.
Après ce premier examen, Wilshire en ordonna un second sur cette même information. L’examen devait être effectué par Margaret Gillespie, employée de la CIA à Alec Station, dont les prétendues pertes de mémoire concernant les événements de janvier 2000 rendent les vraies motivations suspectes. Wilshire croyait, et il s’avérera par la suite que c’était à juste titre, que les câbles contenaient la clé pour prévenir un prochain attentat majeur d’al-Qaïda. S’ils avaient été traités correctement, le 11-Septembre ne serait jamais arrivé.
Trois semaines avant les attentats, Gillespie aurait découvert un câble d’importance cruciale, ce qui l’aurait amenée à parler au FBI au sujet d’al-Mihdhar et al-Hazmi. Comme on le sait, la traque d’Al-Mihdhar et al-Hazmi par le FBI se solda par un échec, mais ce que vous ne savez probablement pas, c’est que ce fut en grande partie à cause de Wilshire. Néanmoins, pour avoir demandé à Gillespie de réexaminer les câbles, Wilshire reçut de nombreux éloges lors des investigations faites après les attaques. Nombre de ses autres actions jetaient la suspicion sur lui, mais cet examen semble les avoir toutes effacées. Cependant, s’il était réellement en train de cacher des informations, pourquoi avoir ordonné cet examen ?
Si nous regardons les conditions dans lesquelles Wilshire a entamé cet examen, deux choses ressortent. Tout d’abord, Wilshire a précisé à Gillespie que l’examen n’était pas urgent et qu’elle devait le faire pendant son temps libre. Il y avait de toute évidence beaucoup de choses à faire à ce moment-là, et trouver l’emplacement du prochain attentat majeur d’al-Qaïda aurait dû occuper la première place dans l’agenda des choses à faire au Centre antiterroriste. Ensuite, la raison pour laquelle il fallut trois mois à Gillespie pour examiner une poignée de documents relativement courts, est qu’elle ne parvenait pas les retrouver dans la base de données de la CIA. Pourtant, Wilshire était en possession de ces câbles lorsque l’examen a débuté, mais il avait tout simplement omis de les transmettre à Gillespie. S’il l’avait fait, l’examen aurait duré deux heures au lieu de trois mois. Comme nous le verrons, Gillespie a dit qu’elle avait découvert le câble majeur qui l’a amenée à alerter le Bureau, quelque temps seulement après que les pirates eurent fixé la date du 11-Septembre pour l’attaque.
Une fois les faits ci-dessus pris en considération, nous en arrivons à une théorie sur les raisons qui ont amené Wilshire à lancer un deuxième examen : après le premier réalisé par Wilshire et l’agente de la CIA non identifiée, il était évident que des mesures devaient être prises ; plus précisément, le FBI et l’INS (Immigration & Naturalization Service) devaient être contactés et informés de ce qu’Alec Station savait, ce qui aurait pu empêcher Al-Mihdhar de remettre les pieds aux États-Unis à la fin de l’année, ou qui aurait permis au FBI de le suivre quand il l’a fait. Alors, pour empêcher l’agente inconnue de faire cela, Wilshire a proposé ce deuxième examen, dont il a pu exiger qu’il soit, par exemple, plus complet, plus approfondi, de grande envergure, etc. Initier un tel examen était la seule façon qu’il avait trouvée pour empêcher cette agente de faire ce qu’elle savait qu’elle devait faire.
Peu de temps après, Wilshire fut muté au FBI, où il devint chef adjoint de la Section des opérations contre le terrorisme international. Il lança également une série d’événements qui conduisirent les enquêteurs du FBI sur l’USS Cole à présenter des photos d’al-Mihdhar et al-Hazmi, alors même que toutes les informations sur ces deux hommes continuaient d’être dissimulées.
Tout d’abord, Wilshire entama une discussion avec un analyste de la CIA du nom de Clark Shannon au cours de laquelle un groupe de trois photos prises lors du sommet d’al-Qaïda en Malaisie furent mentionnées. Dans cette discussion, Wilshire commit un lapsus, en suggérant que la photo d’al-Hazmi censée selon la CIA représenter Ben Attash, d’après l’identification faite le 4 janvier par "Omar" lors de la réunion déjà évoquée dans la deuxième partie de cette série, ne correspondait en réalité pas du tout. « Quelqu’un a vu quelque chose qui n’était pas là », a-t-il écrit à Shannon. Étant donné que Wilshire a affirmé qu’il n’avait même pas lu la déclaration du câble du 4 janvier sur l’identification de Ben Attash [par "Omar"], cela est pour le moins surprenant. Wilshire était en fait dans le vrai, et la photo montrait bien al-Hazmi et non pas ben Attash, mais Wilshire semblait connaître al-Qaïda mieux que la principale source américaine infiltrée à l’intérieur de l’organisation.
L’explication est claire : Wilshire ne savait que trop bien qui était al-Hazmi, et il connaissait également ben Attash.
Après l’échange d’email avec Wilshire, Shannon fit mention des photos à Dina Corsi, une analyste du FBI employée au quartier général, qui travaillait en étroite collaboration avec Wilshire et qui joua un rôle-clé dans cette affaire. Wilshire imprima alors les photos pour Corsi, qui devait les montrer aux agents travaillant sur l’USS Cole. Naturellement, Wilshire oublia de mentionner que Ben Attash, le cerveau de l’attaque sur lequel ils enquêtaient tous, était en Malaisie avec al-Mihdhar en janvier 2000. Corsi obtint également de la NSA des renseignements sur la réunion en Malaisie.
Le 11 juin 2001, Shannon, Corsi et Gillespie rencontrèrent les agents traitant l’affaire de l’USS Cole, en particulier Steve Bongardt et Russell Fincher, au bureau du FBI à New York. Après une présentation faite par le Bureau sur l’avancement de l’enquête, Shannon demanda à Corsi de sortir les photos et de les montrer à ses collègues du FBI. Bongardt fut immédiatement intéressé et posa quelques questions de base sur les photos, par exemple, qui elles représentaient et ce qu’ils faisaient. Le « camp Wilshire» qui occupait tout un côté de la table refusa de répondre à la plupart des questions. Il y eut une discussion entre Bongardt et Corsi, qui dégénéra en véritable engueulade, et qui se poursuivit jusqu’à ce que l’assemblée se sépare.
Il est difficile de concevoir une explication de bonne foi sur [l’échec de] cette réunion, qui représente une autre occasion [manquée] d’arrêter al-Mihdhar, al-Hazmi et l’ensemble du complot du 11-Septembre. La raison invoquée pour montrer les photos, était que la CIA voulait savoir si sur l’une d’elles on voyait Fahad al-Quso (ci-contre), l’un des conspirateurs de l’attentat contre l’USS Cole, qui était en garde à vue au Yémen et qui avait été interrogé par le FBI. Or, l’une des photos montrait al-Mihdhar. Wilshire l’identifia parfaitement quand il remit les photos à Corsi qui écrivit elle-même le nom d’al-Mihdhar au dos. Comment le FBI était-il censé identifier al-Quso sur une photo montrant Khalid al-Mihdhar ? Une autre photo montrait al-Hazmi, qui ne ressemblait en rien à al-Quso. En outre, Shannon fournit des récits contradictoires sur la suite de la réunion, et son affirmation selon laquelle il était allé à une réunion d’échange d’informations au cours de laquelle aucune information n’avait été échangée sonnait bizarrement, et est contredite par les notes de Corsi, montrant au contraire qu’il y avait appris qu’al-Mihdhar se déplaçait avec un passeport saoudien en janvier 2000.
Le refus de Corsi de donner aux enquêteurs de l’USS Cole l’information de la NSA est également incroyable. Elle a affirmé qu’elle ne pouvait pas le faire en raison des "barrières" réglementaires régissant notamment le partage d’informations entre les agents de renseignement du FBI et les procureurs traitant les affaires criminelles. Mais ces règlements ne s’appliquaient pas à l’un des agents de New York lors de cette réunion, puisque c’était un agent de renseignement désigné. En outre, il n’aurait fallu à Corsi qu’une journée pour obtenir la permission de transmettre ces informations aux autres agents qui traitaient l’aspect criminel, d’après l’avocat général de la NSA.
Lorsque l’on observe les événements survenus lors de cette réunion et ce qui les a précédés, la conclusion qui s’ensuit semble inéluctable : la réunion n’était pas une tentative destinée à partager l’information de bonne foi, mais une ruse orchestrée par Wilshire pour savoir si les agents du Cole avaient reconnu al-Hazmi et al-Mihdhar.
Lorsqu’on compare cette réunion à celle du 4 janvier 2001, dite réunion avec "Omar" dont nous avons parlé dans la 2e partie de cette série, il y a une similitude frappante : les photos d’al-Mihdhar et d’al-Hazmi sont présentées sous le prétexte qu’elles montrent d’autres personnes, et l’information n’est pas partagée. De cette façon, Wilshire et son équipe tentent de savoir si les gens reconnaissent ou non al-Mihdhar et al-Hazmi.
Un autre enseignement de la réunion du 11 juin est qu’elle nous montre que tout cela était d’une grande actualité, quelles que soient les activités de la CIA concernant al-Mihdhar et al-Hazmi. Les deux hommes n’étaient pas tombés dans l’oubli, ils étaient bien présents à l’esprit de Wilshire et de son désormais ex-patron, Richard Blee. Comme nous le verrons dans la 4e partie de la série, les deux hommes étaient tout à fait conscients des roulements de tambour qui résonnaient à l’été 2001, et Wilshire relia même al-Mihdhar à l’attentat majeur à venir d’al-Qaïda dans un e-mail très incriminant.
Kevin Fenton
Note : (*) Kevin Fenton est l’auteur de Disconnecting the Dots: How CIA and FBI Officials Helped Enable 9/11 and Evaded Government Investigations (Démêler les fils : comment les responsables de la CIA et du FBI ont permis que le 11-Septembre se produise et comment ils ont éludé les enquêtes gouvernementales)