"Le mensonge et la crédulité s'accouplent et engendrent l'Opinion" Paul Valéry

14 novembre 2010

Les Etats-Unis doivent ouvrir une information judiciaire

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Amnesty International a demandé le 10 novembre l’ouverture d’une information judiciaire sur le rôle joué par l’ancien président américain George W. Bush et d’autres responsables dans le recours à des techniques d’interrogatoire dites améliorées contre des personnes maintenues en détention par les États-Unis dans des lieux secrets, après que l’ancien président eut admis avoir autorisé ces pratiques.

Dans ses mémoires, publiés le 9 novembre, et dans un entretien diffusé sur NBC News le 8 novembre 2010, l’ancien président a confirmé son implication personnelle dans l’autorisation du waterboarding (simulacre de noyade) et d’autres techniques contre des « détenus de grande valeur ».

«Aux termes du droit international, le fait que l’ancien président admette avoir autorisé des actes s’apparentant à la torture suffisent pour que les États-Unis soient dans l’obligation d’enquêter sur ses propos et, s’ils sont corroborés, de le poursuivre», a déclaré Claudio Cordone, directeur général d’Amnesty International.

«Ses aveux mettent une fois de plus en évidence l’absence d’obligation de rendre des comptes pour la torture et les disparitions forcées, crimes de droit international dont les États-Unis se sont rendus coupables.»

Détentions secrètes

Dans ses mémoires, l’ancien président a mis l’accent sur le cas de deux personnes détenues dans le cadre du programme secret de la CIA.

Abu Zubaydah a été incarcéré dans plusieurs sites secrets d’avril 2002 à septembre 2006. En août 2002, il a été soumis plus de 80 fois au waterboarding, pratique consistant à utiliser un peu d’eau pour provoquer un début de noyade.

Khalid Sheikh Mohammed a été arrêté le 1er mars 2003 au Pakistan, puis remis à la CIA qui l’a placé en détention secrète. Ce même mois, d’après un rapport de l’inspecteur général de la CIA, il a subi le waterboarding à 183 reprises.

Au bout de trois ans et demi de détention au secret et à l’isolement dans des lieux clandestins, Khalid Sheikh Mohammed a été transféré à Guantánamo où il se trouve sous la responsabilité de l’armée. Abu Zubaydah et lui-même n’ont toujours pas été jugés, de même que plus de 150 autres personnes.

Torture et autres traitements cruels, inhumains ou dégradants

Le waterboarding est loin d’avoir été la seule technique qui aurait été employée contre Khalid Sheikh Mohammed, Abu Zubaydah et les autres hommes détenus dans le cadre du programme secret, en violation de l’interdiction internationale de la torture et des autres traitements cruels, inhumains ou dégradants.

On recense, parmi les autres techniques employées : la nudité prolongée, les menaces, l’exposition au froid, le maintien dans des positions douloureuses, les agressions physiques, l’utilisation prolongée d’entraves et la privation de sommeil.

«En vertu du droit international, quiconque est impliqué dans des actes de torture doit être traduit en justice, et cela n’exclut pas l’ancien président George W. Bush. Si ses aveux sont corroborés, les États-Unis sont tenus de le poursuivre en justice», a ajouté Claudio Cordone.

«Faute d’enquête diligentée par les États-Unis, d’autres pays doivent intervenir et effectuer cette enquête eux-mêmes», a conclu Claudio Cordone.

Complément d’information

Les États-Unis ont ratifié la Convention des Nations unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (Convention contre la torture) en 1994. En vertu de la Convention contre la torture, chaque fois qu’il existe des éléments indiquant qu’une personne a commis ou tenté de commettre un acte de torture ou perpétré des actes la rendant complice de la torture, le cas en question doit être confié aux autorités compétentes en vue de l’ouverture de poursuites.

Ne pas entamer de poursuites au motif que l’accusé a exercé des fonctions officielles, à quelque niveau que ce soit, ou justifier ses agissements en invoquant des «circonstances exceptionnelles», qu’il s’agisse d’une guerre ou d’autres situations d’urgence, n’est pas autorisé par la Convention.

Autre évolution récente, le ministère américain de la Justice a annoncé le 9 novembre que nul ne fera l’objet d’une inculpation pénale pour la destruction par la CIA, en 2005, de près de 100 bandes vidéo des interrogatoires d’Abu Zubaydah et d’Abd al Nashiri, un autre homme détenu dans le cadre du programme secret de la CIA. Douze des bandes donnaient à voir un recours à des techniques d’interrogatoire dites améliorées, dont le waterboarding. Abd al Nashiri a été victime de cette pratique à la fin novembre 2002.

Il faut rappeler une nouvelle fois que la torture et les disparitions forcées sont des crimes au regard du droit international. Il est ainsi possible que la destruction de ces bandes ait permis de dissimuler des crimes commis par le gouvernement.

Dans une brève déclaration diffusée le 9 novembre 2010, cependant, le ministère de la Justice a annoncé qu’au terme d’une «enquête exhaustive» sur la question, un procureur fédéral a déterminé qu’il n’«entamerait pas de poursuites pénales pour la destruction des enregistrements des interrogatoires».

Claudio Cordone