Selon des sources proches du débat, des employés et membres de la Commission d’enquête sur le 11/9 ont conclu que la première version donnée par le Pentagone sur sa manière de réagir aux attentats terroristes du 11 Septembre pourrait avoir fait partie d’une tentative délibérée de tromper la Commission et le public, plutôt que d’être une image approximative des événements de ce jour.
Les soupçons de tromperie étaient si forts que les dix membres de la Commission, lors d’une réunion secrète à la fin de leur tenure pendant l’été 2004, ont débattu la possibilité de transmettre l’affaire pour enquête criminelle au Département de la Justice, selon plusieurs sources de la Commission. Des employés et certains membres de la Commission pensaient que des courriels, ainsi que d’autres preuves apportaient suffisamment de raisons probables de croire que les fonctionnaires militaires et de l’aviation violaient la loi, par leurs déclarations erronées au Congrès et à la Commission, ceci dans l’espoir de cacher la réaction désorganisée face aux détournements, déclaraient ces sources.
Finalement, la Commission a adopté le compromis de remettre les allégations aux inspecteurs généraux des Départements de la Défense et des Transports, qui peuvent soumettre le cas à la justice criminelle s’ils croient que cela se justifie, ont déclaré des fonctionnaires.
« Nous ignorons à ce jour pourquoi le NORAD [le Commandement de la Défense aérospatiale de l'Amérique du Nord] nous a dit ce qu’il nous a dit, » déclara Thomas H. Kean, ancien gouverneur républicain de l’état du New Jersey, qui a dirigé la Commission. « C’était simplement tellement éloigné de la vérité … C’est l’un de ces détails qui ne sont jamais réglés. C’est l’une de ces questions sans réponses, jamais refermées. »
Bien que le rapport de la Commission, faisant date, affirmait clairement que les premières versions du Département de la Défense concernant les événements le jour des attentats étaient inexactes, la révélation que des assignations criminelles étaient envisagées montre avec quel scepticisme ces rapports étaient considérés par la Commission, et cela nous donne un aperçu des tensions entre elle et l’administration Bush.
Un porte-parole du Pentagone déclarait hier que le bureau de l’inspecteur général communiquerait rapidement un rapport abordant la question de savoir si le témoignage remis à la Commission était « sciemment erroné ». Un autre rapport, remis secrètement au Congrès en mai 2005, a attribué les inexactitudes en partie à des problèmes liés à la façon dont le Département de la Défense avait tenu ses dossiers, selon un résumé communiqué hier.
Dans un article prévu pour être dans les kiosques aujourd’hui, le magazine Vanity Fair rapporte certains aspects du débat de la Commission – bien qu’il ne mentionne pas la possible inculpation – et publie de longs extraits d’enregistrements audios militaires effectués le 11-Septembre. Des extraits ont été diffusés par ABC News la nuit dernière.
Pendant plus de deux années après les attentats, les officiels, avec le NORAD et la FAA fournissaient dans les témoignages et lors de leurs apparitions dans les médias, des informations inexactes au sujet de leur réaction face aux attentats. Les autorités ont sous-entendu que les défenses aériennes américaines avaient réagi rapidement, que des jets avaient décollé d’urgence pour répondre aux deux derniers détournements et que les chasseurs étaient prêts à abattre le vol United Airlines 93 au cas où il menacerait Washington.
En fait, la Commission rapportait l’année passée que des enregistrements audios en provenance du quartier général nord-est du NORAD ainsi que d’autres preuves montraient clairement que les militaires n’avaient jamais eu les avions de ligne dans leur champ de vision, et qu’à un moment ils ont poursuivi un avion fantôme – le vol 11 d’American Airlines – bien après qu’il se soit écrasé sur le World Trade Center.
Le major général Larry Arnold et le colonel Alan Scott ont dit à la Commission que le NORAD avait commencé à suivre le vol United 93 à 9h16, mais la Commission a déterminé que l’avion de ligne n’avait été détourné que 12 minutes plus tard. Les militaires n’ont eu connaissance du vol qu’après qu’il se soit écrasé en Pennsylvanie.
« Cette incohérence, et d’autres, n’étaient pas évidentes jusqu’à ce que la Commission, obligée d’utiliser l’assignation à comparaître, obtienne des enregistrements audios de la FAA et du NORAD », ont déclaré des officiels. La réticence des agences pour délivrer les enregistrements – ainsi que des courriels, des déclarations publiques erronées et d’autres preuves – a amené certains employés et commissaires à penser que les autorités cherchaient à induire en erreur la Commission et le public au sujet de ce qui s’est produit le 11 Septembre.
« J’ai été choqué de voir à quel point la vérité était éloignée de la version qui nous en avait été donnée » disait dans une récente interview John Farmer, un ancien avocat général du New Jersey, qui a dirigé l’enquête du personnel sur les événements du 11 Septembre. Les enregistrements racontaient une histoire radicalement différente de celle qui nous a été racontée. Ce n’est pas une invention. C’est un mensonge. »
Arnold, qui n’a pas pu être joint hier pour commenter [cette information, NdT], avait dit à la commission en 2004 qu’il ne disposait pas de toute l’information dénichée par la commission quand il avait témoigné auparavant. D’autres officiels militaires ont aussi nié toute intention d’induire la commission en erreur.
John F. Lehman, un membre républicain de la commission et un ancien secrétaire de la NAVY, a déclaré dans une interview qu’il pensait qu’on avait menti à la commission, mais qu’il ne croyait pas qu’il y avait suffisamment de preuves pour soutenir une assignation criminelle.
« Comment je vois cela, si c’était délibéré ou simplement le stupide imbroglio bureaucratique, je l’ignore, » déclara Lehman. « Mais dans l’ordre de grandeur des choses, poursuivre des bureaucrates pour avoir induit la commission en erreur ne paraissait pas avoir de sens pour moi. »
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Washington Post