Une semaine après le huitième anniversaire des attentats du 11 Septembre, la question du déroulement exact de cette funeste journée continue de « troubler » (comme dirait Jean-Marie Bigard) les internautes et les médias. Mais le débat — ou plutôt le non-débat — est, hélas, rarement serein.
Quand on parle du 11 Septembre, on atteint en effet rapidement le point Godwin, ce moment dans une discussion où l’un des deux interlocuteurs accuse l’autre d’être un nazi. Sur ce sujet, le dérapage est facile. Le partisan de la conspiration gouvernementale (l’inside job) va accuser son interlocuteur de défendre un système fascisant tandis que le partisan de la seule conspiration islamiste (théorie officielle) va accuser son adversaire de révisionnisme, voire de négationnisme. Conspiration contre conspiration, argument contre argument, personne ne change d’avis et les invectives fusent.
Ce schéma s’est d’ailleurs une nouvelle fois reproduit cette semaine dans l’émission de Frédéric Taddei, "ce soir ou jamais". Visiblement dans le camp des "truthers", le réalisateur Mathieu Kassovitz s’est laissé aller à évoquer Joseph Goebbels, rappelant que depuis le faux attentat contre le Reichstag en 1933, « plus un mensonge était gros, plus il passait ». Plus tard dans l’émission, c’est son contradicteur, le producteur Martin Karmitz, qui a glissé l’accusation de négationnisme à l’encontre du mouvement pour la vérité, laissant le soin au journaliste Renaud Revel de l’Express de présenter dès le lendemain Mathieu Kassovitz comme un nouveau disciple de Robert Faurisson, un historien français niant l’existence des chambres à gaz. Une accusation particulièrement ignoble à entendre pour Kassovitz issu d’une famille juive.
Pour sortir de cette impasse et de ces insultes, il faut sans doute replacer le débat sur le 11 Septembre dans un cadre distinct de celui de la Seconde Guerre mondiale afin d’éviter les dérapages qui tuent systématiquement le débat. À vrai dire, la meilleure analogie est sans doute la guerre froide et plus particulièrement le début des années 50. À cette époque, le sénateur Joseph Mac Carthy fit régner une véritable terreur rouge aux États unis, restée dans l’Histoire sous le nom de Mac Carthysme. Ce climat obligea bon nombre d’Américains soupçonnés de sympathies communistes à quitter leur pays (Charlie Chaplin par exemple) mais la société civile (Arthur Miller, Albert Einstein), l’Armée puis les autres sénateurs finirent par mettre un terme à ce climat délétère qui faisait peser une véritable chape de plomb sur la démocratie américaine.
À mes yeux, le monde des années 2000 connaît quelque chose de similaire. Plutôt que de combattre le terrorisme avec des armes comme la laïcité ou le codéveloppement économique, les droites américaines (et européennes), engagées dans une aventureuse "guerre globale au terrorisme", ont plongé l’Occident dans une sorte de nouveau Maccarthysme, à la fois manichéen et liberticide pour ses citoyens. Aux États-Unis, le changement de présidence n’a pour le moment rien modifié de ce climat, comme le montre la récente démission d’Anthony Van Jones. Ce conseiller d’Obama a dû quitter le gouvernement de BHO car il avait osé signer, il y a près de 5 ans, une simple pétition pour une nouvelle enquête sur le 11 Septembre. Un crime de la pensée dans cette Amérique néo-Maccartyste.
Mais la chasse aux sorcières est également très active de ce côté de l’Atlantique : Marion Cotillard, Jean-Marie Bigard ou Mathieu Kassovitz peuvent en témoigner ! Dès qu’une personnalité ose afficher son intérêt pour les théories alternatives, la nouvelle caste sacerdotale s’empresse de les ramener dans le droit chemin en n’hésitant pas à sortir l’artillerie lourde : l’incontournable accusation d’antisémitisme et la menace d’un boycott médiatique.
Il ne m’appartient pas de démêler le vrai du faux sur le déroulement exact de cette funeste journée. Comme toutes les vérités, elle est complexe. Certains mensonges sont peut-être justifiés par d’autres impératifs. Non, il n’y avait peut-être pas d’explosifs dans les tours jumelles de New York. Oui, il y avait peut-être un véritable crash d’avion à Washington. Peu de personnes ont les éléments ou les compétences pour répondre précisément à ces questions, mais l’essentiel n’est pas là.
La vraie question est de savoir si ces attentats ont été instrumentalisés par des pouvoirs publics ou privés pour servir d’autres fins. Comme dans toute enquête, il faut se demander « A qui profite le crime ? » et c’est cette question à la fois simple et légitime que pose le mouvement pour la vérité. Et c’est à l’organisation d’un procès judiciaire un cadre pourtant particulièrement transparent et démocratique que s’opposent les nouveaux cerbères de la pensée. Seul un nouveau procès permettrait de mettre un terme à cette polémique. Mais tant que les partisans d’un nouveau Maccarthysme refuseront de l’admettre, ils ne pourront pas empêcher des millions de personnes de douter.
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Jérome Bouteiller