La CIA a crucifié un prisonnier à la prison d’Abu Ghraib près de Bagdad, selon un rapport publié dans le magazine The New Yorker.
"Un médecin légiste a trouvé qu’il (le prisonnier) avait principalement été crucifié; il est mort d’asphyxie après avoir été pendu par les bras, encagoulé, avec des côtes cassées," écrit Jane Mayer dans l’édition du 22 juin du magazine. "Les pathologistes militaires ont classé l’affaire comme étant un homicide." La date du meurtre n’a pas été communiquée.
"Aucune accusation criminelle n’a jamais été portée contre aucun officier de la CIA impliqué dans le programme de torture, malgré le fait qu’au moins trois prisonniers interrogés par le personnel de l’agence soient morts des suites de mauvais traitements," écrit Mayer.
Un précédent rapport de John Hendren dans le Los Angeles Times indiquait d’autres meurtres par torture et l’association Human Rights First ("Droits de l’Homme D’abord", NDT) dit que près de 100 prisonniers sont morts pendant leur détention en Irak et en Afghanistan.
Hendren a rapporté qu’un ‘Manadel Jamadi’ [un autre prisonnier torturé à mort, NDT] est mort à la prison d’Abu Ghraib " de blessures par objet contondant" compliquées "d’une respiration compromise" tandis "qu’il était avec des Navy SEALS et d’autres troupes d’opérations spéciales". Une autre victime, Abdul Jaleel, est morte bâillonnée et enchaînée à la porte de sa cellule avec les mains au-dessus de la tête. Et un autre prisonnier, le major général Abid Mowhosh, ancien commandant de la défense aérienne de l’Irak, "est mort d’asphyxie par étouffement et compression thoracique" à Qaim, en Irak.
"Il est indéniable que des interrogatoires U.S. ont provoqué des décès," déclare Anthony Romero, le directeur exécutif de l’ACLU (Union Américaine pour les Libertés Civiles). "Des fonctionnaires de haut rang qui étaient au courant des tortures et n’ont rien fait et ceux qui ont créé et soutenu ces politiques doivent rendre des comptes. L’Amérique doit arrêter de se voiler la face et s’occuper du scandale de la torture." Au moins des douzaines de détenus aux mains des Américains sont morts, et l’homicide est soupçonné. Déjà en mai 2004, le Pentagone avait concédé la mort d’au moins 37 prisonniers sous sa garde en Irak et en Afghanistan et avait demandé des enquêtes.
Nathaniel Raymond, de l’association Physicians for Human Rights ("Médecins pour les Droits de l’Homme", NDT) a déclaré au New Yorker, "nous ne savons toujours pas combien de détenus se trouvaient dans des prisons secrètes, ni qui ils étaient. Nous ne connaissons pas pleinement le rôle de la Maison-Blanche ou de la CIA. Nous avons besoin d’un rapport complet, surtout qu’il concerne les professionnels de la santé."
Des notes de justice récemment divulguées contiennent de nombreuses références à du personnel médical de la CIA participant à des séances d’interrogatoire musclées, a-t-il dit. "Ce sont eux qui concevaient, légitimaient et implémentaient," disait Raymond. "On peut soutenir que c’est le plus grand scandale médico-éthique de l’histoire américaine. Il nous faut des réponses."
L’ACLU a obtenu ses informations du Pentagone grâce à un procès pour la ‘Liberté de l’Information’. Les documents reçus comprenaient 44 autopsies et rapports de décès en plus d’un résumé des rapports d’autopsie de personnes capturées en Irak et en Afghanistan. Une déclaration de l’ACLU précisait, "cela ne couvre qu’une partie des Irakiens et des Afghans qui sont morts en détention sous juridiction américaine. "
La torture par la CIA a été facilitée par la possibilité, pour l’Agence, de cacher des prisonniers dans des ’sites noirs’ tenus secrets aux yeux de la Croix-Rouge, de ne pas enregistrer les prisonniers et de les détenir pendant des années sans porter d’accusations ou leur fournir un avocat.
Kenneth Roth, le directeur exécutif de Human Right Watch, a accusé l’administration Obama de "prendre en considération la détention préventive," écrivit Mayer du New Yorker. Roth dit que cette tactique imite l’approche abusive de l’administration Bush."
Tout indique que Panetta, le directeur de la CIA, n’a nullement l’intention de traîner devant la justice les fonctionnaires de la CIA impliqués dans la torture systématique de prisonniers. Panetta a dit à Mayer, "Je vais laisser aux gens le bénéfice du doute…S’ils font le boulot pour lequel ils sont payés, je ne peux pas demander grand-chose de plus."
Ces sentiments différent nettement de ceux que Panetta a énoncés dans un article publié l’année dernière dans le numéro de janvier du Washington Monthly : "Soit l’on croit en la dignité de la personne, aux règles de la loi et à l’interdiction des punitions cruelles et inhabituelles, soit l’on n’y croit pas. Il n’y a pas de juste milieu."
Un moyen de savoir qui dirige vraiment un pays est de voir quelles personnes, s’il y en a, sont au-dessus de la loi. Dans l’administration Obama, comme dans les précédentes, cela inclut les employés de la CIA. Les crucifixions qu’ils ont exécutées au Moyen-Orient diffèrent au moins par un aspect important de celles décrites dans le Nouveau Testament: Jésus Christ a eu droit à un procès.
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Sherwood Ross