"Le mensonge et la crédulité s'accouplent et engendrent l'Opinion" Paul Valéry

26 avril 2014

Le camp 7 ultra sécurisé de Guantanamo dont personne ne parle


Caché quelque part sur les collines arides de Guantanamo, le camp 7, entouré d'un épais voile de mystère, renferme une quinzaine de détenus de «très grande valeur».



«Je ne vais pas parler du camp 7, nous ne parlons tout simplement pas du camp 7», lâche la générale Marion Garcia, commandante adjointe de la force militaire de coalition (JTF-GTMO) qui gère les prisons de Guantanamo. Impossible de savoir quand il a été créé, ni où il se trouve.

Le camp 7 ne figure pas au menu des visites de presse, il n'est pas même mentionné sur le dossier remis aux journalistes. «Ce n'est pas un secret qu'il est là. Ce qui est classifié, c'est sa localisation et toutes les opérations qui le concernent, mais aussi qui se trouve à l'intérieur», résume le capitaine John Filostrat, porte-parole des prisons.

Les trois avocats qui s'y sont rendus n'ont pratiquement le droit de ne rien dire sur ce qu'ils y ont vu. L'avocate Suzanne Lachelier y a été transportée en octobre 2008 avec son confrère Richard Federico «à l'arrière d'un van sans fenêtre» au terme d'un périple de «20 à 25 minutes pour me désorienter».

«Quelque chose à cacher»

«Je ne pouvais pas voir où j'allais, je n'ai pas vu la structure générale de la prison», raconte-t-elle à l'AFP. «Qui le gère?», se demande-t-elle. «Rien ne justifie de telles mesures de sécurité, à moins que le gouvernement n'ait quelque chose à cacher».

Plus récemment, le 15 août 2013, l'avocat Jay Connell y a rendu visite à son client, l'accusé du 11-Septembre Ali Abdoul Aziz-Ali, dans un minibus aux «fenêtres obstruées.

«Tout est conçu pour vivre à l'isolement total, chaque détenu est confiné dans une cellule; ils mangent dans leurs cellules; il n'y a pas de zone commune. Je n'ai jamais vu un tel isolement dans d'autres prisons», explique-t-il à l'AFP, après une visite de douze heures à l'intérieur du camp sur injonction du juge militaire.

Selon des sources concordantes, le camp renferme une quinzaine de détenus dits de «grande valeur» pour les renseignements qu'ils sont susceptibles de donner ou qu'ils ont déjà livrés au cours d'interrogatoires sous la torture dans des prisons secrètes de la CIA.

Parmi eux, le Pakistanais Khaled Cheikh Mohammed, l'architecte autoproclamé des attentats du 11-Septembre, soumis 183 fois à des simulations de noyade avant son transfèrement à Guantanamo.

Mais également ses quatre coaccusés, dont le Yéménite Ramzi Ben al-Chaiba, qui s'est plaint récemment au juge militaire de coups portés contre les cloisons de sa cellule la nuit, accusant ses gardiens de faire délibérément du bruit pour l'empêcher de dormir. Le Pakistanais Ali Abdoul Aziz-Ali aurait lui servi de modèle au film «Zero Dark Thirty» pour les mauvais traitements qu'il aurait endurés.

Géré par la CIA

Egalement incarcérés, le Saoudien Abd al-Rahim al-Nachiri, cerveau présumé de l'attentat contre le navire américain USS Cole, ou encore son compatriote Abou Zubeydah, soupçonné d'avoir été le bras droit d'Oussama ben Laden.

Compte tenu du passé de ceux qui y sont emprisonnés, «il y a toutes les raisons de croire qu'il est géré par la CIA» et non par la force de coalition JTF-GTMO qui gère les autres camps de Guantanamo, affirme un bon connaisseur de Guantanamo, qui a requis l'anonymat.

«Les transports (vers le camp 7) sont organisés par quelqu'un d'autre que nous. Nous faisons juste ce que l'on nous ordonne de faire», explique la générale Garcia, interrogée sur les mesures de sécurité prises lorsque les trois avocats ont visité la prison.

«Il n'y a rien de vraiment mystérieux», ajoute-t-elle. «Tout ce que je peux vous dire c'est que l'établissement est très bien géré et j'en suis fière».

Lors d'une audition devant le Congrès, le général John Kelly, commandant de la région sud qui supervise Guantanamo, avait pour sa part estimé que le camp 7 avait besoin d'être remplacé, car «de plus en plus insalubre en raison de problèmes de drainage et de fondations» d'une prison prévue pour être «temporaire».