"Le mensonge et la crédulité s'accouplent et engendrent l'Opinion" Paul Valéry

28 juillet 2013

28 juillet 1945. Un B-25 percute l'Empire State Building 56 ans avant le 11 Septembre.


Aux commandes du bombardier américain, un pilote US désorienté par la purée de pois qui baigne New York. 



Le 28 juillet 1945, à 9 h 48, un bombardier US s'encastre dans le 79e étage de l'Empire State Building. Les images de Pathé tournées à l'époque montrent les mêmes scènes que celles du 11 Septembre : un trou béant dans le gratte-ciel et de la fumée qui s'en échappe, des corps sur le sol, des pompiers courageux, la foule terrifiée. Mais la taille d'un B-25 est minuscule à côté de celle d'un avion de ligne, et l'Empire State, contrairement aux Twin Towers, ne s'effondre pas. Le bilan est aussi infiniment moins lourd : 14 morts et 26 blessés. Même pas un déraillement de train... Autre différence de taille : la catastrophe ne découle pas d'un acte terroriste, mais d'un accident dû au brouillard. Certains ont prétendu que Pierre Richard était aux commandes du bombardier américain. Ce n'est pas le cas, le pilote du zinc est le lieutenant-colonel William Smith, 27 ans.

"Je ne vois pas le sommet de l'Empire State Building"

Ce matin-là, Smith reçoit l'ordre de piloter jusqu'à l'aéroport de Newark un bombardier B-25. En approchant de l'aéroport de La Guardia (New York), il contacte la tour de contrôle pour se renseigner sur la météo, car une purée de pois commence à envahir le paysage. Les aiguilleurs le pressent de se poser avant qu'il ne soit trop tard. Le pilote avertit par radio ses supérieurs, qui lui ordonnent de poursuivre sa route vers Newark, éloigné d'une quarantaine de kilomètres. Ce ne sont pas des péteux de civils qui dicteront leur conduite à des pilotes qui ont fait la guerre. "De là où je suis, je ne vois pas le sommet de l'Empire State Building", prévient le contrôleur aérien. Qu'importe ! Smith plonge avec détermination dans le brouillard qui baigne Manhattan. Calme et résolu, il ressemble au "capitaine de Pédalo" affrontant la purée de pois économique... Rapidement, il perd tout repère. Le voilà aussi perdu qu'Ayrault au milieu de la récession. Le lieutenant-colonel décide alors de plonger jusqu'à trois cents mètres du sol, où il espère trouver des trouées. Et tant pis pour le règlement interdisant de voler à moins de 700 mètres au-dessus de la cité hérissée de gratte-ciel.

À trois cents mètres, la visibilité est effectivement bien meilleure ! Smith voit surgir du brouillard le New York Central Building. Dans un réflexe, il parvient à l'éviter. Mais c'est pour précipiter son avion sur d'autres buildings. En slalomant à la limite de la rupture de son bombardier, Smith évite encore la tour Chrysler et le Centre Rockefeller. Va-t-il s'en tirer ? Non ! il fonce droit sur l'Empire State Building dont l'antenne culmine à 443 mètres. Désespéré, le pilote tire sur le manche à balai pour tenter de passer au-dessus de l'obstacle. Hollande tombe à genoux pour l'encourager... Trop tard. Les dix tonnes du B-25 s'encastrent dans le 79e étage. Surprise totale pour les employés du War Relief Service du National Catholic Welfare Conference qui occupent l'étage. Ils auraient découvert DSK en train de faire l'amour à leur doyenne dans un placard qu'ils n'auraient pas été plus stupéfaits. Les réservoirs de l'avion explosent dans une gerbe de feu. Le lieutenant-colonel Smith meurt sur le coup, ainsi que les deux autres membres de l'équipage.

"Son corps entier était en feu"

Témoignage de Catherine O'Connor, présente à l'étage : "Durant les cinq à six secondes qui ont suivi l'explosion, j'ai titubé sur mes jambes et les trois quarts du bureau ont immédiatement été dévorés par les flammes. Un homme se tenait debout à l'intérieur des flammes. Je pouvais le voir, c'était mon collègue Joe Fountain. Son corps entier était en feu. Je n'ai cessé de l'appeler : Viens, Joe, viens. Il s'en est sorti." Huit employés meurent instantanément. Un des moteurs de l'avion et une partie du train d'atterrissage traversent les murs et s'abattent sur un immeuble de l'autre côté de la 33e Rue, tandis que l'autre moteur se fraie un chemin jusqu'à la cage d'un ascenseur puis tombe sur la cabine située au 75e étage. Celle-ci entame une chute vertigineuse que les systèmes de sécurité ralentissent. Quand la cabine arrête sa course dans les sous-sols, les deux femmes à l'intérieur sont encore en vie. Mais l'une d'elles, grièvement blessée, décédera quelques jours plus tard à l'hôpital.

Les pompiers new-yorkais sont rapidement sur place. Ils font évacuer le bâtiment, heureusement presque vide, car nous sommes un samedi. L'incendie est éteint après une heure d'efforts. Le bilan définitif est de 14 morts et de 26 blessés. Des images ont été tournées grâce au jeune caméraman Max Markman de Pathé qui parvient à s'introduire dans l'immeuble en se faisant passer pour un médecin. La structure de l'Empire State Building n'étant pas endommagée, il n'est point besoin de l'abattre.





 Frédéric Lewino 
Gwendoline Dos Santos