"Le mensonge et la crédulité s'accouplent et engendrent l'Opinion" Paul Valéry

16 août 2011

La NSA et le 11/9 : L’incapacité à exploiter les écoutes au Yémen, et au-delà…

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La National Security Agency,
la plus puissante agence de Renseignements des USA






« Nawaf Alhazmi et Khalid Almihdhar, deux des terroristes qui ont détourné un avion pour le précipiter contre le Pentagone, communiquaient depuis le sol américain avec d’autres membres d’al-Qaïda à l’étranger. Mais nous n’avons appris leur présence aux USA que lorsqu’il fut trop tard. L’autorisation que j’ai donnée à la National Security Agency après le 11-Septembre a permis de corriger ce problème d’une façon totalement compatible avec mes pouvoirs et mes responsabilités constitutionnels. Les activités que j’ai autorisées rendent beaucoup plus probables l’identification et la localisation à temps de tueurs comme les pirates du 11/9. »

Président Bush
17 décembre 2005






Après le 11-Septembre, des milliers d’articles sont parus à propos de l’échec de la CIA et du FBI à prévenir les attentats ; l’Agence maintenait certains des pirates sous surveillance et les aurait « perdus ; le Bureau fut même incapable d’informer son propre directeur de l’affaire Zacarias Moussaoui. Mais [bizarrement], la plus puissante agence de renseignements US, la National Security Agency (NSA), échappa à toute critique. Personne ne dénonça son fiasco, et son directeur ne fut pas contraint à d’embarrassantes dépositions devant le Congrès. Pourtant, comme nous allons le voir, l’échec de la NSA [dans l’affaire] du 11-Septembre est consternant.

Nous ne savons pas exactement à quel moment la NSA a intercepté un appel d’un des 19 pirates de l’air. Les rapports indiquent que [la NSA] a commencé à écouter les appels téléphoniques que passait le pirate de l’air du Pentagone Khalid Almihdhar vers le domicile de sa femme [au Yémen - NdT] à la fin de l’année 1996. Cependant, bien qu’il soit probable qu’Almihdhar s’y soit rendu à plusieurs reprises, il n’est pas certain qu’il y vivait à l’époque. Cette maison, située dans la capitale yéménite Sana, était une des cibles privilégiées de la communauté US du Renseignement, du fait qu’elle servait de plateforme de communication (« hub ») à Oussama Ben Laden, sous la supervision du beau-père d’Almihdhar, Ahmed al-Hada.

La NSA s’est bien gardée d’informer les autres agences de renseignements US [de l’existence] au Yémen de cette plateforme de communication. Mais l’Alec Station, l’unité de la CIA en charge [de la traque] de Ben Laden en a eu vent, au travers d’un agent qui avait été prêté quelque temps à la NSA. Même après cette découverte, la NSA a refusé de fournir les retranscriptions des appels téléphoniques, comptant sur le fait que l’Alec Station ne pourrait pas déchiffrer les codes utilisés par les agents d’al-Qaïda. C’est l’une des raisons pour lesquelles les attentats à la bombe de 1998 contre les ambassades US en Afrique de l’Est – auxquels al-Hada a contribué – purent être menés à bien, même si leurs auteurs étaient connus des différentes agences de renseignements.






Il est en revanche établi que la NSA a intercepté au début de l’année 1999 un appel impliquant des pirates de l’air, à savoir Almihdhar et son compère du vol 77, Nawaf Alhazmi. La NSA n’a pas publié de compte-rendu de cette conversation, bien que l’épais rapport sur l’enquête du Congrès concernant le 11/9 l’ait demandé expressément. La NSA a continué d’intercepter les appels téléphoniques d’Almihdhar durant toute l’année 1999, alors qu’il communiquait apparemment avec le leader d’al-Qaïda Khallad bin Attash qui se morfond désormais à Guantanamo Bay.

Vers la fin décembre 1999, la NSA a intercepté un appel où était évoquée la réunion des chefs d’al-Qaïda en Malaysie –réunion unique des leaders d’al-Qaïda qui s’est tenue dans la capitale malaisienne de Kuala Lumpur.

La NSA a averti le FBI et la CIA, cette dernière étant en charge, avec l’aide des services secrets malaisiens, de surveiller Almihdhar et ses différents associés lors de cette réunion. Mais malgré cela, la CIA affirme n’avoir rien appris de particulier sur ce que planifiaient les participants.

Almihdhar et Alhazmi passèrent par Bangkok, Hong-Kong puis Los Angeles, mais la CIA explique qu’elle les a perdus en chemin.

Toujours est-il que quelques mois avant d’arriver à San Diego avec un informateur du FBI, les deux hommes commencèrent à passer des appels vers la plateforme yéménite. À cette époque, Almihdhar était sur la liste des personnes surveillées par la NSA et l’agence a intercepté ses appels, mais n’a pas publié de rapport à ce sujet.

Almihdhar a quitté les USA durant l’été pour retourner au « central » yéménite quelques mois avant l’attentat contre l’USS Cole à Aden, la deuxième ville du Yémen.







Des documents indiquent qu’Almihdhar était impliqué dans l’attentat à la bombe, et que ses auteurs utilisaient la plateforme téléphonique au Yémen pour « organiser l’ensemble », mais la NSA n’a apparemment rien fait [de ces informations]. Il n’existe aucune mention dans les médias d’une quelconque enquête de l’inspecteur général de la NSA à propos des résultats de la NSA avant l’USS Cole – ou avant les attentats à la bombe contre les ambassades US, ou même avant le 11/9.

La NSA a continué d’écouter les appels passés entre les pirates de l’air aux USA et la plateforme au Yémen, mais a gardé pour elle ces informations qui auraient certainement pu aider à déjouer le complot. Le FBI, qui avait découvert par ailleurs le numéro de téléphone au cours de son enquête sur le USS Cole, avait cartographié le réseau global d’al-Qaïda sur la base des appels transitant par ce central et avait spécifiquement demandé à la NSA de la tenir informée de tout appel entre ce central et les USA. Malgré cela, aucune information sur de tels appels n’est jamais parvenue au Bureau.

La NSA a également intercepté des appels téléphoniques entre le cerveau supposé des attentats du 11/9, Khalid Sheikh Mohammed, et le chef des pirates de l’air Mohammed Atta ou encore le coordinateur Ramzi ben al-Shibh. Encore une fois, il semble que rien n’ait été fait de ces écoutes.

Lors de la publication de l’épais rapport d’enquête du Congrès, la principale controverse a visé la disparition de 28 pages mettant en cause le gouvernement saoudien qui aurait apporté son soutien aux pirates de l’air. [Mais] les passages concernant la NSA ont eux aussi été sévèrement coupés, les rendant même difficiles à interpréter, et certains événements ont tout simplement disparu de la version du rapport qui fut publiée.





Cette même pratique fut reprise par la Commission sur le 11/9 qui a pratiquement ignoré la NSA dans ses activités publiques d’enquête. Seul un ancien officiel de la NSA a témoigné publiquement; il avait quitté l’agence au début des années 1990 et ses propos portent principalement sur le FBI et la CIA. De même, le rapport final de la Commission ne cite que très rarement le nom de l’agence, et omet tout simplement de rappeler aux lecteurs que la NSA avait intercepté des appels entre les pirates de l’air alors présents sur le territoire US et le centre des opérations d’al-Qaïda au Yémen.

Il y a deux choses extrêmement dérangeantes dans tout cela. Premièrement, il est clair qu’un groupe d’officiels de la CIA faisant partie de l’Alec station a délibérément caché au FBI des informations sur Almihdhar et Alhazmi. En même temps, la NSA n’a pas transmis au Bureau certaines informations à propos des deux hommes. Peut-on mettre cela sur le dos d’une pure coïncidence, ou devons-nous envisager que quelqu’un à la NSA cherchait délibérément à saboter le travail ?

Deuxièmement, l’échec de la NSA à exploiter les écoutes des appels entre le « central » au Yémen et les USA avant les attentats a servi de justification à l’augmentation de ses pouvoirs, en particulier, à sa capacité depuis le 11/9 à espionner les appels domestiques sans en référer à personne. Cela a été clairement expliqué par le Président Bush lors d’un message radio diffusé après que le New York Times eut révélé l’affaire fin 2005. La toute première justification apportée par Bush tient dans les quelques lignes au début de cet article.

Et donc, la NSA n’a pas transmis ses informations sur les pirates de l’air, sans doute de façon délibérée pour aider aux machinations de la CIA, et n’a même jamais eu à s’expliquer publiquement sur une éventuelle enquête interne à propos de ce fiasco. Malgré cela, et avec une rapidité remarquable, elle a utilisé cet échec pour justifier de nouveaux super pouvoirs.

Cela n’est qu’un héritage de plus du 11/9.

Kevin Fenton
BoilingFrogs