"Le mensonge et la crédulité s'accouplent et engendrent l'Opinion" Paul Valéry

14 mai 2015

La version officielle de la mort de Ben Laden truffée de mensonges ?


Cette photo prise dans la «Situation Room», a fait le tour du monde. Elle montrerait l'équipe du président Obama en train de suivre en direct le 1er mai 2011 l'assaut du complexe où s'était réfugié Ben Laden. Mais le cliché a fait beaucoup jaser. En effet, il a été retouché pour faire ressortir artificiellement le sentiment d'une extrême tension et la compétence des membres présents. Ce cliché n'a pas été pris lors de l’assaut contre Ben Laden. Image: AFP



Ben Laden était planqué à Abbottabad

FAUX Seymour Hersh écrit que les services de renseignement pakistanais de l’Inter-Services Intelligence (ISI) ont en fait mis la main sur Ben Laden en 2006. En soudoyant des personnes dans des tribus afghanes. L’ISI l’a arrêté et placé dans son «bunker» d’Abbottabad. Où il n’a donc jamais été planqué mais était retenu en résidence surveillée! Imaginer que Ben Laden se serait caché dans une ville pleine de militaires est un conte aussi crédible que l’ «Alice au pays des merveilles» de Lewis Caroll, balance l’enquêteur.

Les Etats-Unis ont retrouvé Ben Laden 

FAUX Les Etats-Unis ont dit être finalement parvenus à dénicher Ben Laden en traçant son coursier. Or selon Hersh, le Pakistan gardait l’homme le plus recherché du monde sous la main en secret. Mais un ancien des services secrets pakistanais a vendu l’information à la CIA en août 2010. Contre une grosse part des 25 millions de dollars promis pour sa capture.

Le Pakistan n’était au courant de rien 

FAUX Les renseignements et haut gradés pakistanais étaient donc aux premières loges, selon Hersh. Et ce n’était qu’un début. Le journaliste explique que pour être sûrs de l’information récoltée et envisager une action, les Etats-Unis ne pouvaient rien sans l’aide pakistanaise. Des tractations et négociations ont donc eu lieu au plus haut niveau. Et même du chantage: la CIA laissant entendre au Pakistan que toute aide militaire pourrait être coupée en cas de non-collaboration. Résultat: des agents américains ont pu travailler sur place. Et, via le médecin de Ben Laden, les barbouzes pakistanais ont fourni à l’Amérique la preuve qu’elle attendait: l’ADN prouvant que c’était bien lui dans la maison d’Abbottabad.

Le commando américain a agi seul

FAUX La Maison-Blanche a toujours affirmé avoir agi sans l’accord du Pakistan et sans l’avoir informé. Un nouveau mensonge, pour le journaliste. Qui explique même que le Pakistan a participé militairement. A l’en croire, ordre avait été donné de ne rien tenter contre les deux hélicoptères du commando. Mieux: un agent pakistanais était à bord. Et les hommes qui entouraient la maison de Ben Laden ont été priés de quitter les lieux aux premiers bruits de rotor. Enfin une panne d’électricité aurait même été organisée pour faciliter l’assaut.

Les Etats-Unis voulaient Ben Laden vivant 

FAUX Encore une farce, à en croire l’enquête. Dans un étrange capharnaüm les autorités américaines ont lâché que Ben Laden s’était défendu, ou avait pris une de ses épouses en otage, ou avait résisté. Mais aurait été pris vivant s’il s’était rendu. Pour le journaliste, six hommes surarmés et surentraînés se sont retrouvés devant un vieil homme malade et invalide. La suite? «Un meurtre prémédité.»

Le discours d’Obama était bien rodé 

FAUXA en croire Seymour Hersh, Obama a annoncé la mort de Ben Laden dans la précipitation. Les Etats-Unis et le Pakistan, dit-il, s’étaient mis d’accord. Il fallait laisser s’écouler «au moins sept jours» avant que la Maison-Blanche annonce que le terroriste avait été tué… par un drone dans les montagnes afghanes! Un mensonge pratique: il ne serait pas resté grand-chose du corps. Et le Pakistan – ou Ben Laden restait pour beaucoup une idole – n’aurait rien eu à voir avec le décès. Le hic? Lors de l’assaut, un des deux hélicoptères s’est écrasé. Il a donc fallu le brûler sur place. Ce qui ne pouvait pas passer inaperçu. Selon Hersh, Obama a alors décidé de communiquer au plus vite. Résultat: un discours peu maîtrisé et des imprécisions «qui ont engendré le chaos».

Le corps de Ben Laden a été immergé 

FAUX Le manque de temps lié au problème d’hélicoptère aurait également engendré des couacs dans la gestion du corps du terroriste. Qui, affirme le journaliste, a été enterré en Afghanistan. Et pas immergé en mer d’Oman comme annoncé par les autorités américaines.

On connaît enfin la vérité 

PAS SI SÛRE ! Ces révélations sont basées sur le témoignage d’un ancien des services secrets pakistanais et de nombreuses sources anonymes. Et Seymour Hersh est une grande figure du journalisme.

Reste que des médias américains soulignent déjà que certaines de ses révélations ont par le passé été controversées et que l’enquêteur aime trop les théories du complot. Alors? Faut-il le croire? Impossible en l’état de trancher.

«J’attends une dénégation de la Maison-Blanche», a-t-il lancé sur CNN. Elle est venue peu après. Le porte-parole Ned Price a réaffirmé que les Etats-Unis avaient agi seuls. Et balancé qu’il y avait tellement «d’inexactitudes et affirmations sans fondement» qu’il faudrait trop longtemps pour toutes les contredire.

Des révélations fracassantes qui, malgré la brillante carrière et réputation de Seymour Hersh, ont laissé de marbre certains de ses confrères américains. Le très sérieux Vox (en anglais) dresse une liste de raisons pour lesquelles le lecteur est en droit de douter de cette "enquête".

Premier problème, et pas des moindres, Seymour Hersh ne base son enquête que sur deux sources principales. La première est Asad Durrani, qui, s'il a été chef du renseignement Pakistanais, a quitté cette fonction en 1992, il y a près de 23 ans.

La deuxième est anonyme et présentée par l'enquêteur comme "un haut responsable du renseignement à la retraite" qui était "bien informé sur la présence de Ben Laden à Abbottabad". "Bien informé, mais pas exactement ce qu'on peut appeler un acteur-clé du drame", tacle Vox.

Ses deux autres sources "d'appoint" sont des consultants "anonymes" vaguement désignés comme des insiders.  

Aucun document officiel, aucune preuve irréfutable

Deuxième problème, plus grave encore, Seymour Hersh ne produit aucune preuve irréfutable. Aucune source de premier choix, donc, mais pas non plus de documents secrets qui viendraient appuyer ses accusations. "Or, il n'y aucun raison de croire que les sources citées par Hersh aient été liées de près ou de loin à l'affaire. Pourtant, leur parole n'est jamais remise en cause", s'étonne Vox. 

Une enquête parfois incohérente

Pour terminer, Vox pointe du doigt un dernier problème encore plus gênant: l'enquête en elle-même présente des incohérences et des contradictions. 

Seymour Hersh explique par exemple que la véritable histoire de la mort d'Oussama Ben Laden s'articule autour d'un accord secret entre le Pakistan et les États-Unis. Les premiers auraient accepté que l'ex-leader d'al-Qaïda Ben Laden soit tué sur leur territoire en échange d'une aide financière et militaire des États-Unis. Sauf qu'après l'opération américaine, "c'est précisément l'inverse qui s'est passé", rappelle Vox. "Non seulement l'aide américaine a diminué, mais la coopération américano-pakistanaise en Afghanistan est en chute libre." 

Admettons que la version de Seymour Hersh soit exacte. Pourquoi alors les Pakistanais ont officiellement condamné l'intervention américaine alors que, selon le journaliste, ce sont eux qui ont insisté pour que la solution d'un "faux raid" soit choisie. Pourquoi ont-ils "puni" les Etats-Unis en révélant publiquement le nom d'un agent de la CIA? Pourquoi, enfin, choisir une option -le "faux raid"- aussi humiliante pour leur pays?

D'autres incohérences mineures sont pointées par Vox. Parmi elles, celle à propos des "fausses preuves". Selon Hersh, Ben Laden était prisonnier des services secret pakistanais depuis 5 ans et les preuves de son implication dans al-Qaïda présentées par les États-Unis étaient "fabriquées". Un argument étrange quand on sait que le numéro deux de l'organisation terroriste lui-même -Ayman Al-Zawahiri- a reconnu que ces preuves étaient exactes. 



























TF121