"Le mensonge et la crédulité s'accouplent et engendrent l'Opinion" Paul Valéry

3 août 2014

Obama: «Nous avons torturé des gens» après le 11 septembre


Le repentir d'Obama intervient après un rapport sur la torture. (photo: AFP/Nicholas Kamm)


Evoquant, lors d'un point de presse à la Maison-Blanche, la prochaine déclassification d'un rapport parlementaire sur les techniques d'interrogatoire employées par la CIA entre 2002 et 2006, le président a estimé que les USA avaient fait des choses «contraires» à leurs valeurs. «Lorsque nous avons utilisé certaines techniques d'interrogatoire poussé, techniques que je considère et que toute personne honnête devrait considérer comme torture, nous avons franchi une ligne», a poursuivi Obama, qui avait déjà utilisé le terme par le passé sans pour autant livrer sa vision de cette période.

Après les attentats du 11 septembre, la CIA a capturé des dizaines de personnes soupçonnées de liens avec al-Qaïda, et utilisé des «techniques d'interrogatoire musclé» comprenant la privation de sommeil, la mise à nu du détenu ou encore la simulation de noyade. Rappelant qu'il avait interdit ces méthodes dès son arrivée à la Maison-Blanche, M. Obama a mis en garde contre tout jugement «trop moralisateur» sur cette période.

«Énorme pression»

«Je pense que lorsqu'on regarde en arrière, il est important de se souvenir combien les gens avaient peur après la chute des tours jumelles (du World Trade Center); le Pentagone avait été touché, un avion s'était écrasé en Pennsylvanie», a-t-il souligné. «Les gens ne savaient pas si d'autres attaques étaient imminentes. Il y avait une énorme pression sur les forces de sécurité et nos équipes de sécurité pour essayer de faire face à cette situation», a-t-il encore noté.

Le rapport parlementaire, dont la publication devrait intervenir rapidement, est au coeur d'une tempête qui avait éclaté en mars dernier quand la présidente de la Commission du renseignement du Sénat, Dianne Feinstein, avait accusé la CIA d'avoir fouillé les ordinateurs utilisés par des enquêteurs de sa commission. Après avoir contesté dans un premier temps tout agissement déplacé de ses équipes, le directeur de la CIA, John Brennan, s'est - fait sans précédent - excusé cette semaine auprès de responsables du Sénat.

«Terrible erreur»

Lors de la conclusion de ses travaux, fin 2012, après trois ans et demi d'enquête, Mme Feinstein, avait, sans dévoiler le contenu du texte, jugé que l'utilisation de «techniques d'interrogatoire musclées» avait été une «terrible erreur». La puissante sénatrice démocrate avait aussi estimé, à titre personnel mais sur la base du rapport, que l'utilisation de ces techniques, notamment celle de la simulation de noyade, n'avait pas conduit à des renseignements ayant permis de localiser Oussama ben Laden, tué en 2011 au Pakistan lors d'un raid de commando américain.

Interrogé par l'AFP début 2013, Leon Panetta, qui dirigeait la CIA lors de l'assaut contre le chef d'al-Qaïda, avait estimé que les éléments recueillis grâce à ces techniques n'étaient pas cruciaux. «Je pense qu'il est difficile d'affirmer qu'ils ont été déterminants. Ils faisaient partie d'un vaste puzzle qu'il fallait assembler pour localiser Ben Laden. Et je je pense que nous l'aurions trouvé, même sans cette pièce du puzzle.»

M. Obama, qui a toujours soutenu la déclassification du rapport du Sénat, a jugé vendredi qu'il serait utile pour aider les Etats-Unis à tourner la page, en gardant à l'esprit qu'un pays se définit par ce qu'il fait «quand tout est simple», mais aussi par la façon dont il réagit «dans l'adversité». «Nous devons assumer nos responsabilités face à ce qui s'est passé afin que cela ne se reproduise plus à l'avenir», a-t-il conclu.