"Le mensonge et la crédulité s'accouplent et engendrent l'Opinion" Paul Valéry

4 juillet 2014

BNP Paribas et le Soudan, les liaisons dangereuses avec Ben Laden


La banque française aurait, en 1997, contourné l'embargo américain sur le Soudan, qui abritait alors le chef d'al-Qaida, ennemi public numéro un.

La banque BNP Paribas devra s'acquitter d'une amende de 8,9 milliards de dollars pour avoir violé des embargos américains contre le Soudan, entre autres. © LOIC VENANCE / AFP 


À peine les sanctions américaines sont-elles tombées sur BNP Paribas que la Suisse s'y met à son tour pour accabler la banque tricolore, qui emploie 1 700 employés dans la Confédération, dont 1 200 à Genève. "La banque s'est ainsi exposée à des risques juridiques et de réputation excessivement élevés et a de ce fait enfreint, selon le droit suisse de la surveillance, l'exigence de disposer d'une organisation adéquate", déplore l'Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers, la Finma.

En clair, la Suisse reproche à BNP Paribas d'avoir sali la réputation immaculée de sa place financière. Les sanctions sont toutefois surtout symboliques : la Finma décide d'un renforcement des fonds propres de la banque "pour les risques opérationnels" ainsi que d'une "interdiction de deux ans d'effectuer toute opération avec des sociétés et personnes concernées par des sanctions américaines ou européennes".

Le pape noir du terrorisme 

En revanche, l'administration helvétique ne pardonne pas à l'établissement français d'avoir à deux reprises servi de plaque tournante pour contourner les embargos américains décrétés contre le Soudan en 1997 et en 2002. En une de son édition du mercredi 2 juillet, le quotidien genevois Le Temps rappelle qu'en 1997 "l'État africain abritait alors un certain Oussama Ben Laden". À cette époque, l'homme fort du pays était Hassan al-Tourabi.

Surnommé "le pape noir du terrorisme", il organisait à Khartoum des conférences populaires islamiques réunissant le Who's Who du djihad, du Jamaat-e-Islami pakistanais, au Front islamique du salut (FIS) algérien en passant par le Hezbollah libanais et de Djihad islamique de l'Égyptien Ayman al-Zaouahiri. Et surtout, le Soudan, qui a abrité un temps Ilich Ramírez Sánchez, dit Carlos, jusqu'à son arrestation en 1994, accueille le milliardaire saoudien Oussama Ben Laden, installé depuis 1992. Le pays lui a même permis d'acquérir 400 000 hectares de terres.

Des employés commencent à se syndiquer 

À partir de 1997, "pratiquement toutes les banques soudanaises d'importance avaient leur compte en dollars ouvert auprès de l'antenne genevoise de BNP Paribas", révèlent les documents de la justice américaine (il s'agit en fait de Paribas, qui a été rachetée par la BNP en 1999). De quoi très sérieusement affaiblir l'embargo américain contre le Soudan, décrété par l'administration Clinton. BNP Paribas (Suisse) avait même créé un bureau spécial, baptisé GC8, pour gérer ce business clandestin avec les banques et les sociétés soudanaises...

Khartoum serait ainsi devenue pendant des années une "source majeure d'activité" pour BNP Paribas à Genève. La Finma constate que l'établissement français "a effectué des transactions pour des clients soudanais via des comptes ouverts auprès de banques tierces aux États-Unis". "Les transactions étaient alors menées via ces banques correspondantes contactées entre-temps par BNP Suisse. Ainsi, le fait que ces transactions impliquaient des clients soudanais restait inconnu pour la banque américaine." Faut-il s'attendre à des dégraissages massifs à Genève ? Signe avant-coureur, certains employés de BNP Paribas (Suisse) ont commencé à se syndiquer...

Ian Hamel