"Le mensonge et la crédulité s'accouplent et engendrent l'Opinion" Paul Valéry

16 décembre 2013

11-Septembre : Les 28 pages sur le rôle de l’Arabie saoudite bientôt déclassifiées ?


Depuis que des terroristes ont attaqué les États-Unis le 11 septembre 2001, des proches de victimes, des survivants et des gens de médias ont tous essayé, avec assez peu de réussite, de découvrir la véritable nature des liens entre les 19 pirates – dont 15 étaient de nationalité saoudienne – et le gouvernement saoudien. Plusieurs organes de presse ont rapporté que certains des terroristes avaient des liens avec la famille royale saoudienne et qu’ils auraient peut-être même reçu un soutien financier de leur part ainsi que de mystérieux et fortunés Saoudiens vivant à San Diego.

L’Arabie saoudite a démenti tout lien à maintes reprises, et ni le président George W. Bush ni le président Obama n’ont pris d’initiative sur le sujet.

Mais plus tôt cette année, les représentants Walter B. Jones (Républicain de Caroline du Nord) et Stephen Lynch (Démocrate du Massachusetts) ont pu avoir accès aux 28 pages expurgées de l’enquête conjointe des comités du renseignement (JICI) sur le 11-Septembre publiée fin 2002, qui pourraient détenir quelques réponses sur l’implication saoudienne dans les attentats.

"J’ai été absolument choqué par ce que j’ai lu," déclara Jones au International Business Times. "Ce qui m’a vraiment surpris, c’est que ceux en qui nous pensions pouvoir faire confiance m’ont réellement déçu. Je ne peux pas en dire davantage. Il m’a fallu prêter serment afin de garder confidentiel ce que j’ai lu. Mais les informations que j’ai lu m’ont profondément déçu."

Le public aussi pourrait bientôt être amené à voir ces documents secrets. La semaine dernière, Jones et Lynch ont présenté une résolution exhortant le président Obama à déclassifier les 28 pages qui furent classifiées à l’origine par le président George W. Bush. La raison pour laquelle ces pages furent censurées n’a jamais été pleinement expliquée, mais le président Bush a déclaré en 2003 que la publication de ces pages enfreindrait la sécurité nationale.

Alors que ni Jones ou Lynch ne peuvent dire ce que contient ce document, certaines informations ont fuité au cours des années. Une multitude de sources ont rapporté à IB Times, confirmé par de nombreux articles de presse dans Newsweek, le New York Times, CBS News et d’autres ces dernières années, que les 28 pages décrivent en fait clairement que le gouvernement saoudien a eu tout au moins un rôle indirect en soutenant les terroristes responsables des attentats du 11-Septembre. En outre, ces pages classifiées éclaircissent quelque peu les liens entre les pirates et au moins un employé du gouvernement saoudien vivant à San Diego.

L’ancien sénateur Bob Graham (Démocrate de Floride) qui présida l’enquête conjointe en 2002 et réclame depuis plus de transparence sur le 11-Septembre, n’a jamais compris pourquoi les 28 pages furent censurées. Graham a raconté à IB Times que, d’après son implication dans l’enquête et sur les informations désormais classifiées dans le document que son comité a produit, il est convaincu que "le gouvernement saoudien soutenait sans aucun doute les pirates qui vivaient à San Diego… Il est impossible que 19 personnes puissent vivre aux États-Unis pendant presque deux ans pour certains, qu’ils prennent des cours de vol et fassent d’autres préparatifs, sans que quelqu’un ne paye pour cela. Mais je pense que ça va bien au-delà. Les agences de la CIA au FBI ont étouffé ces informations pour cacher les faits aux Américains."

Jones insiste sur le fait que publier les 28 pages secrètes n’enfreindrait pas la sécurité nationale.

"Cela ne concerne pas en soi la sécurité nationale ; c’est plutôt une histoire de relations," dit-il. "Les informations sont capitales à l’avancement de notre politique étrangère et devraient par conséquent être disponibles auprès du peuple américain. Si les pirates du 11-Septembre ont reçu une aide extérieure – en particulier venant d’un ou plusieurs gouvernements étrangers – la presse et le public ont le droit de savoir ce que notre gouvernement a fait ou non pour rendre justice à leurs auteurs."

Il fallut à Jones six semaines et plusieurs lettres au comité du renseignement du Sénat avant que les pages classifiées du rapport du 11-Septembre lui soient fournies. Jones fut si stupéfié par ce qu’il a vu qu’il approcha le représentant Lynch, lui demandant de regarder également les 28 pages. Il savait que Lynch serait abasourdi par le contenu des documents et se joindrait peut-être à une tentative bipartisane pour faire déclassifier ces documents.

"Il est revenu vers moi il y a une semaine environ et m’a dit que lui aussi était très choqué par ce qu’il avait lu," raconte Jones. "Je lui ai dit que nous devions nous unir et présenter une résolution, et obtenir l’implication d’autres membres des deux partis pour demander à la Maison Blanche d’autoriser la publication de ces informations auprès du public. Le peuple américain a le droit de connaître ces informations."

Il y a dix ans, 46 sénateurs menés par le sénateur Charles Schumer (Démocrate de New-York) avaient demandé dans une lettre au président Bush qu’il déclassifie les 28 pages.

La lettre disait, en partie, "Il a été largement rapporté dans la presse que les origines étrangères auxquelles se réfère cette partie de l’étude de l’enquête conjointe demeure principalement en Arabie saoudite. En conséquence, la décision de classifier ces informations envoie un mauvais signal aux Américains sur la politique antiterroriste de notre nation et donne l’impression qu’il n’y aura pas de sanctions pour les complices étrangers des pirates. Protéger le régime saoudien en écartant toute condamnation publique du soutien apporté aux terroristes venant de ses frontières serait une erreur… Nous insistons respectueusement auprès de vous pour déclassifier la section de 28 pages traitant des sources de soutien étrangères aux pirates du 11-Septembre."

Les sénateurs qui signèrent cette lettre étaient, à l’exception du sénateur Sam Brownback (Républicain du Kansas), tous Démocrates.

Lynch, qui remporta la primaire démocrate pour son siège au Congrès ce jour fatidique du 11 septembre 2001, a déclaré à IB Times que Jones et lui sont en train d’écrire une lettre à l’attention de leurs collègues appelant tous les membres de la Chambre des représentants à lire les 28 pages et à se joindre à leur initiative.

"Dès lors que les membres liront les 28 pages, qu’ils soient Démocrates ou Républicains, je pense qu’ils arriveront à la même conclusion à laquelle Walter et moi sommes parvenus, qui est que les Américains ont le droit de connaître ces informations" a dit Lynch. "Ces documents parlent d’eux-mêmes. Nous avons une situation où une enquête approfondie a été conduite, mais l’administration Bush a alors décidé, pour on ne sait quelle raison, d’expurger 28 pages du rapport. Je ne porte pas de jugement. C’était une époque différente. Peut-être qu’il y avait des raisons légitimes de garder cela classifié. Mais cette période est révolue depuis longtemps."

La plupart des liens présumés entre le gouvernement saoudien et les pirates du 11-Septembre tournent autour de deux étranges Saoudiens qui vivaient à San Diego : Omar al-Bayoumi et Osama Basnan, qui ont tous les deux quitté les États-Unis depuis longtemps. 

Au début des années 2000, al-Bayoumi, qui avait travaillé pour le gouvernement saoudien dans l’aviation civile (une branche du département saoudien de la Défense), a invité deux des pirates, Khalid Al-Mihdhar et Nawaf Al-Hazmi, à venir de Los Angeles à San Diego. Il raconta aux autorités qu’il avait rencontré les deux hommes par hasard en s’asseyant près d’eux dans un restaurant.

Newsweek rapporta en 2002 que l’invitation d’al-Bayoumi fut présentée le même jour que son passage au consulat saoudien de Los Angeles pour un rendez-vous privé.

Al-Bayoumi s’arrangea pour que les deux futurs pirates vivent dans un appartement et paya 1500 dollars pour couvrir les deux premiers mois de loyer. Al-Bayoumi fut brièvement interrogé en Angleterre mais ne fut jamais ramené aux États-Unis pour être questionné.

Quant à Basnan, Newsweek a rapporté qu’il avait reçu chaque mois et pendant plusieurs années des chèques d’un total de 73 000 dollars de la part de l’ambassadeur saoudien aux Etats-Unis, le Prince Bandar, et de sa femme la princesse Haifa Faiçal. Bien que les chèques étaient destinés à payer l’opération à la thyroïde de la femme de Basnan, Majeda Dweikat, Dweikat signa nombre de ces chèques en retour à la femme d’al-Bayoumi, Manal Bajadr. Cet argent se serait retrouvé dans les mains des pirates de l’air selon le rapport du 11-Septembre.

Malgré tout cela, Basnan fut finalement autorisé à retourner en Arabie saoudite, et Dweikat fut expulsé en Jordanie.

Certaines sources et de nombreux articles de presse suggèrent également que les 28 pages incluent plus d’informations au sujet d’Abdussattar Shaikh, un informateur du FBI à San Diego qui, comme le rapporta Newsweek, était ami avec al-Bayoumi et invita deux des pirates basés à San Diego à habiter chez lui.

Shaikh n’a pas été autorisé par le FBI ou l’administration Bush à témoigner devant la Commission du 11-Septembre ou l’enquête conjointe des comités du renseignement. 

Graham note qu’il y a eu une importante enquête relative au 11-Septembre à Sarasota en Floride, qui suggère également un lien entre les pirates et le gouvernement saoudien dont la plupart des Américains ne savent rien.

L’enquête, qui fut menée en 2002, était centrée sur un millionnaire saoudien du nom d’Abdulaziz al-Hijji et sa femme, Anoud, dont la villa appartenait au père d’Anoud al-Hijji, Esam Ghazzawi, un conseiller du prince Fahd bin Salman bin Abdulaziz al-Saud, le neveu du roi Fahd.

La famille al-Hijji serait partie de leur maison de Sarasota et aurait brusquement quitté le pays dans les semaines précédant le 11-Septembre, laissant derrière eux trois luxueuses voitures et des affaires personnelles telles que des vêtements, des meubles et de la nourriture périssable. Ils laissèrent également allumé le circuit d’eau de la piscine. 

De nombreux articles en Floride ont rapporté que le registre des visiteurs de la résidence privée et des photos d’identification de permis montrent que des véhicules conduits par plusieurs des futurs pirates sont venus à la maison des al-Hijji.

Graham a déclaré que, comme les 28 pages de l’enquête du 11-Septembre, l’affaire de Sarasota est "dissimulée" par les renseignements américains. Graham s’est battu pour obtenir du FBI qu’il publie les détails de son enquête en s’appuyant sur la loi pour la liberté de l’information (FOIA). Mais jusqu’à présent le bureau [du FBI] s’est esquivé et emmuré, dit-il.

Lynch dit qu’il ne sait pas comment l’administration Obama réagirait à la résolution du Congrès réclamant la déclassification, si elle devait passer le Congrès et le Sénat.

"Mais si nous soulevons le problème et arrivons à le faire lire par suffisamment de membres, nous pensons que nous pouvons obtenir de la présente administration qu’elle revoie cette question. Je suis très optimiste," dit-il. "J’ai déjà parlé à certains de mes collègues démocrates et il y a de la réceptivité. Ils sont d’accord pour y jeter un oeil."

Les employés de l’administration Obama ont refusé de s’exprimer sur la résolution du Congrès ou sur la classification de ces documents.

Les « familles du 11-Septembre unis pour la justice contre le terrorisme » (JASTA), un groupe d’activistes constitué de victimes de l’attaque, a demandé la déclassification des 28 pages depuis plus d’une décennie. Le groupe prévoit de contacter cette semaine la sénatrice Dianne Feinstein (Démocrate de Californie), présidente du comité au renseignement du Sénat, afin de l’inciter à présenter une résolution similaire au Sénat.

Sharon Premoli, une rescapée du 11-Septembre membre de JASTA qui était au 80ème étage de la tour Nord au moment de l’impact de l’avion, dit que Jones et Lynch "partagent nos objectifs de recherche de la vérité derrière le 11-Septembre et de traduire en justice ceux qui ont financé les attaques."

Premoli a déclaré que c’était un "miracle" qu’elle ait survécu au 11-Septembre. "Je me suis retrouvée ensevelie sous la poussière et sur un cadavre," dit-elle. "Cela me met en colère de ne toujours pas savoir ce qu’il s’est passé ou qui soutenait ces pirates. Le voile du secret doit être levé pour les familles, les rescapés et pour le peuple américain."

Jamie Reno