"Le mensonge et la crédulité s'accouplent et engendrent l'Opinion" Paul Valéry

9 juillet 2013

Oussama Ben Laden : le rapport final de la commission d'enquête pakistanaise


La Commission Abbottabad a conclu que l'armée pakistanaise avait manqué de nombreuses occasions d'arrêter l'ennemi public numéro 1.

Un rapport diffusé lundi établit que Oussama Ben Laden a pu bénéficier de la "négligence" et la "complaisance" du Pakistan durant près d'une décennie.

Cliquez sur le lien pour lire le rapport :


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Le rapport audio (en anglais)

La "négligence" et la "complaisance" du Pakistan ont permis au défunt chef d'Al-Qaïda, Oussama Ben Laden, de se réfugier sans problème près d'une décennie dans ce pays. Tel est la conclusion d'un rapport d'enquête diffusé lundi.

Des notes confidentielles américaines obtenues par WikiLeaks révèlent que Oussama Ben Laden 
a cru à un complot contre lui à l'intérieur d'al-Qaida. Étrangement personne n'a enquêté sur ces déclarations.



La chaîne de télévision arabe Al-Jazeera a mis en ligne tard lundi soir sur son site internet une copie du rapport de la commission d'enquête établie par les autorités pakistanaises dans la foulée de l'assaut, en mai 2011, de commandos d'élite américains des Navy Seals contre la résidence où se terrait le chef d'Al Qaïda, à Abbottabad, dans le nord-ouest du pays.

"OBL (Oussama Ben Laden, ndlr) a été en mesure de rester dans les limites du périmètre d'Abbottabad en raison de l'échec collectif des autorités militaires, des services de renseignement, de la police et de l'administration civile", note le volumineux rapport. Sa version préliminaire avait été transmise il y a six mois au gouvernement d'Islamabad mais était restée secrète.

Ayman al-Zawahiri, a été intronisé chef d'al-Qaida pour succéder à Ben Laden, il a vécu quelque temps en Suisse, selon les déclarations de l'Office fédéral de la police en 2001. Il est considéré comme l'éminence grise du réseau terroriste. Étrangement, personne ne se soucie de sa traque, pourquoi ?



De nombreux détails sur la traque, au Pakistan, de Ben Laden par le renseignement américain ont filtré au cours des derniers mois dans les médias. Mais il s'agit de la première fois qu'un rapport officiel du Pakistan critique le rôle de l'armée et des services de renseignement locaux pour avoir caché Ben Laden au reste du monde.

Négligence

"Cet échec (de l'armée et du renseignement, ndlr) ressort de la négligence ainsi que de l'incompétence. Et à un degré indéterminé, il a pu impliquer - ou non - un niveau de complicité important" de la part de l'armée et du renseignement, poursuit le rapport des autorités pakistanaises.

La commission d'enquête pakistanaise, qui insiste sur la "négligence" des autorités locales, estime ne pas être en mesure de prouver qu'il y ait eu complicité du renseignement et de l'armée pakistanaises.

Selon des proches, Oussama Ben Laden est arrivé au Pakistan au printemps ou à l'été 2002, un an à peine après l'assaut des forces occidentales contre l'Afghanistan voisin où il était protégé par le gouvernement des talibans. Il est resté neuf ans au Pakistan, pays allié des Etats-Unis dans leur "guerre contre le terrorisme" mais accusé par des responsables à Washington de jouer un double jeu dans cette affaire trouble.

Au mois d'août 2005, l'homme le plus recherché de la planète a été transféré dans une résidence d'Abbottabad, verte cité militaire située à moins de cent kilomètres au nord de la capitale Islamabad. La résidence où a vécu Ben Laden se situait aussi à environ un kilomètre de l'académie Kakul, équivalent pakistanais du Westpoint américain ou du St-Cyr français, une école militaire prisée et très surveillée par les autorités locales.

Forme étrange de l'immeuble




"Que le voisinage, les responsables locaux, la police, les forces de sécurité et les services de renseignement n'aient pas porté attention à la forme étrange de l'immeuble, sa dimension, ses barbelés, l'absence de voitures ou de visiteurs pendant six ans dépasse tout simplement l'entendement", note le rapport pakistanais.

"Ce niveau d'incompétence, pour rester poli, est stupéfiant pour ne pas dire incroyable. Au moins 25 personnes vivaient dans cette maison, mais selon un recensement local, la demeure était inhabitée", tonne le rapport.






Info ou intox ?

Ben Laden a failli être arrêté en 2005 pour excès de vitesse !

Dans le rapport figure un témoignage, celui de Maryam, épouse de l'un des gardes du corps de Ben Laden. Elle explique qu'ils se rendaient régulièrement au marché. Lors d'une de leurs expéditions, ils furent arrêtés pour excès de vitesse, mais son mari «régla rapidement l'affaire».

«L'officier de police a-t-il reçu un pot-de-vin, ou n'a-t-il simplement pas remarqué le célèbre passager qui se trouvait à bord du véhicule? Ce n'est pas dit», précise le Telegraph.

Le rapport renseigne également sur les conditions de vie de Ben Laden et son groupe, explique Slate qui a fait une sélection des passages importants du rapport. On y lit ainsi:

«Le groupe vivait, selon le témoignage des épouses, de manière “extrêmement frugale”. Ben Laden lui-même, avant de déménager à Abbottabad, aurait possédé seulement trois paires de shalwar kameez (les tenues locales pakistanaises) pour l'été, et trois paires pour l'hiver –en plus d'une seule veste noire, et deux pulls.

Il possédait aussi un "chapeau de cow-boy" qu'il portait quand il se déplaçait autour de l'enceinte de sa maison, afin de ne pas être repéré par des modes aériens. Ben Laden, qui souffrait apparemment de plusieurs maladies, notamment rénales et possiblement cardiaques, se plaignait parfois de langueur, et en ces moments-là, il mangeait du chocolat et/ou une pomme, selon les découvertes de la commission. Aucune preuve ne suggère qu'un médecin lui ait jamais rendu visite, et il est presque certain qu'il ne quittait presque jamais sa maison.»

Au moment de sa mort, le «Cheikh» vivait avec trois de ses femmes, une dizaine de ses enfants et petit-enfants, ses deux gardes, payés chacun un peu plus de 90 dollars par mois, et leurs familles. «Les enfants de la famille d'OBL menaient une vie très règlementée et isolée. OBL veillait personnellement à l'éducation religieuse de ses petit-enfants comme à leurs moments de récréation, par exemple lorsqu'ils faisaient pousser des légumes...», poursuit le rapport.

Les filles de la famille étaient toutefois contraintes dès l'âge de trois ans à une stricte «purdah», ségrégation empêchant par exemple les femmes de voir des hommes... même à la télé.

Le clan Ben Laden vivait aussi séparé des familles des gardes Abrar et Ibrahim, deux frères Pachtounes ayant grandi au Koweït qui géraient son quotidien à Abbottabad, où ils se faisaient appeler Arshad et Tariq Khan. Même les familles de ces derniers n'auraient pas su pendant longtemps qu'elles étaient voisines du chef d'Al-Qaïda.

Un jour, la fille aînée d'Ibrahim, Rahma, a demandé à ses parents pourquoi «l'oncle vivant au dessus n'était jamais allé au marché» (pourtant on nous dit le contraire plus haut !). Son père a inventé une fable selon laquelle, le «grand homme» en question était simplement trop pauvre pour acheter quoi que ce soit et donc n'avait aucun intérêt à aller marché, détaille le rapport. Et la gamine d'aussitôt baptiser Ben Laden «Miskeen Kaka», «l'oncle pauvre».

Mais «un jour, alors que (la famille) regardait Al-Jazeera, une photo d'Oussama est apparue à l'écran et Rahma a aussitôt reconnu Miskeen Kaka qui vivait au-dessus», note le rapport. Pressé de questions par sa famille, le garde Ibrahim dû confier à sa femme que «l'oncle pauvre» était bien Oussama Ben Laden.


Egger Ph.