"Le mensonge et la crédulité s'accouplent et engendrent l'Opinion" Paul Valéry

8 juillet 2013

Des prisonniers de Guantanamo exigent l’arrêt de leur gavage pendant le Ramadan


Hors du temps, au-dessus des lois et de l’humainement tolérable, l’enfer carcéral de Guantanamo a eu raison d’Obama et de sa fumeuse promesse de fermeture, mais n’est pas venu à bout du courage et de la dignité des 166 sans-voix qu’il a réduit à des numéros de matricule, illégalement, injustement et douloureusement.

A la veille d’accueillir le mois béni de Ramadan, les 106 prisonniers, entrés en rébellion depuis cinq mois contre le sinistre emblème d’une politique anti-terroriste américaine barbare et illégale en cessant de s’alimenter, exigent de ne plus être soumis au gavage qu’on leur impose depuis plusieurs semaines. Ce raffinement de cruauté est un sévice de plus infligé à des hommes très affaiblis mais d’une détermination inébranlable, qui se retrouvent ligotés dans une chaise de contention pour être nourris, deux fois par jour, par un tube glissé dans leur nez et fileté jusqu’à leur estomac.

Les avocats de quatre détenus ont déposé, dimanche dernier, une requête auprès de la cour fédérale de Washington, afin de demander au juge d’intercéder dans ce sens et d’interdire sur-le-champ aux responsables de la prison de faire ingurgiter de force aux prisonniers de la nourriture mais aussi des médicaments qui sont fortement suspectés de causer des troubles neurologiques irréversibles, proches de la maladie de Parkinson.

Le médicament au cœur de toutes les préoccupations est le métoclopramide, plus connu sous le nom de Reglan, qui est présenté par l’administration carcérale comme la potion magique favorisant le processus de digestion et éliminant l'envie de vomir pendant le gavage, mais en passant sous silence ses graves effets secondaires. En effet, les études médicales ont toutes alerté sur les troubles occasionnés par sa prise régulière, qui se caractérisent notamment par des visages défigurés par des mouvements involontaires et irrépressibles.

Shaker Aamer, le dernier britannique de Guantanamo, les Algériens Ahmed Belbacha et Nabil Hadjarab, ainsi que le Syrien Abu Wael Dhaib, qui ont en commun de croupir toujours dans les geôles lugubres aux confins méridionnaux de Cuba bien qu’ayant été déclarés libérables, espèrent que leur plainte sera jugée recevable en temps et en heure.

"Les requérants sont des musulmans pratiquants. Selon les Conventions de Genève, les pétitionnaires doivent bénéficier de la latitude complète dans l'exercice de leurs devoirs religieux", stipule la plainte déposée auprès de la Cour du district de Columbia.

Un juge a demandé au gouvernement américain de se prononcer dans les meilleurs délais en ces termes : "Parce que des dizaines de détenus de Guantanamo subissent un gavage journalier, il pourrait très bien se révéler logistiquement impossible de mener ces gavages deux fois par jour au cours de la nuit pendant le Ramadan", affirme la plainte. Les pétitionnaires demandent donc à notre Cour, à tout le moins, d'ordonner une alimentation forcée au lever du soleil et au coucher du soleil pendant le mois du Ramadan."

Dans les ténèbres pénitentiaires de l’arbitraire, la torture est le seul et unique traitement réservé sans discontinuer depuis 11 ans à des prisonniers musulmans qui ont les fers aux pieds sans inculpation et sans procès. La description faite par le prisonnier syrien Abu Wael Dhaib de la procédure de gavage est effroyablement éloquente (voir photo ci-dessus de la chaise de contention et de la salle glaciale de gavage) : "On est sanglé et enchaîné. Ensuite, toutes les sangles sont serrées avec force de sorte qu’on est immobilisé, on ne peut plus bouger, ni respirer. En plus de cela, il y a cinq membres des forces anti-émeutes qui vous encerclent : le premier se charge de maintenir la tête et appuie ses doigts sur la gorge et le cou avec une forte pression, un deuxième et un troisième tiennent les mains, un quatrième et un cinquième tiennent les jambes, et puis l'infirmière insère le tube. La douleur est intense, mais si on a le malheur de l’extérioriser, vous vous entendez répondre en hurlant :  "ne résistez pas."