"Le mensonge et la crédulité s'accouplent et engendrent l'Opinion" Paul Valéry

10 mars 2013

États-Unis : l'autorisation des canifs dans les avions déclenche un tollé


Pilotes, hôtesses et stewards, passagers et direction ont vivement réagi à cette mesure, conséquence des coupes budgétaires fédérales.

À partir du 25 avril, les canifs de poche seront autorisés à bord des avions au départ des États-Unis : cet assouplissement des règles drastiques fixées au lendemain du 11 septembre 2001, motivé par des coupes budgétaires, suscite inquiétudes et protestations. Pilotes, hôtesses et stewards, passagers, et même le P-DG d'une des plus grosses compagnies aériennes ont protesté aussitôt la mesure annoncée : l'Agence américaine de sécurité dans les transports (TSA) élargit la liste des articles autorisés à bord des avions afin de ne pas prolonger inutilement le temps d'attente aux portiques de sécurité.

Les canifs de poche, dont les lames font moins de 6 centimètres de long et jusqu'à un centimètre de large, ainsi que certains articles de sport, comme les clubs de golf ou les crosses de hockey, seront ainsi permis en cabine. Cette nouvelle règle, qui vise à s'aligner sur les critères internationaux, entre "dans le cadre d'une approche plus générale d'évaluation des risques, qui permet aux agents de sécurité dans les transports de mieux se focaliser sur les articles qui représentent une plus grande menace, comme les explosifs", a prévenu John Pistole, directeur de la TSA.

Files deux fois plus longues

À la suite des coupes budgétaires décidées par le gouvernement Obama, la TSA a gelé ses effectifs, supprimé les heures supplémentaires, avec pour conséquence quasi immédiate des files d'attente deux fois plus longues dans les aéroports américains, a admis la ministre de la Sécurité intérieure Janet Napolitano. "En bref, s'ils recherchent moins d'articles différents, ils auront besoin de moins de monde travaillant aux portiques de sécurité", explique le professeur Andrew Thomas, expert de sécurité aérienne à l'université d'Akron.

"S'il s'agit d'accroître le flux aux portiques de sécurité, il y a des mesures plus efficaces que nous pouvons prendre ensemble", a aussitôt protesté le P-DG de la compagnie américaine Delta, Richard Anderson. "Ces articles interdits depuis plus de 11 ans ne feront que peu de différence dans le flux des passagers, par rapport aux risques supplémentaires pour nos personnels en cabine et nos clients", s'est-il inquiété dans une lettre. "Les personnels navigants sont outrés", s'est insurgée aussi la Coalition syndicale des hôtesses et stewards, qui revendique 90 000 membres. "L'interdiction des objets dangereux fait partie intégrante de la sécurité dans l'aviation et doit rester en place", a ajouté l'organisation.

Sa pétition, qui avait recueilli 15 000 signatures samedi sur le site de la Maison-Blanche "We the people", rappelle que les pirates de l'air avaient utilisé de simples cutters le 11 septembre 2001 et exhorte la TSA à renoncer à sa réforme. "La menace est toujours réelle et la suppression du moindre niveau de sécurité mettrait inutilement en danger les membres d'équipage et le public", a renchéri Mike Karn, président de la Coalition de pilotes de l'air (CAPA), qui compte 22 000 membres.

Chaussure explosive

"La TSA continue à faire enlever les chaussures avant l'embarquement, même s'il n'y a jamais eu le moindre décès dans un avion dû à une bombe cachée dans une chaussure", déclare JM Berger, expert des menaces terroristes. "En revanche, des terroristes armés de petites lames ont tué près de 3 000 personnes en une seule journée en 2001", observe-t-il. L'inquiétude des usagers des transports aériens s'est répandue rapidement, avec nombre de tweets consacrés au sujet. "Même petit, un couteau peut être une arme meurtrière (...) et tuer une personne en moins de dix secondes", s'est insurgé Angelshalo321. "Qui voudrait avoir un couteau, même tout petit, sous la gorge ?" a aussi demandé Lylac Krazy.

Un journal satirique The Onion a annoncé que "la TSA allait maintenant autoriser les petits terroristes sur les vols commerciaux". Pour l'analyste Andrew Thomas, "c'est une manière subtile pour la TSA d'annoncer un changement de stratégie" qui se focalise désormais sur "les mauvais garçons" plutôt que sur les articles dangereux, "une politique de zéro tolérance" qu'elle ferait mieux d'annoncer ouvertement, plaide-t-il.