"Le mensonge et la crédulité s'accouplent et engendrent l'Opinion" Paul Valéry

5 décembre 2011

Dix ans après, le 11-Septembre reste entouré de mystère

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SI VOUS CROYEZ qu’en ce dixième anniversaire vous savez tout sur le 11-Septembre – et je m’adresse ici aux sceptiques ("truthers") adeptes de la théorie du complot ainsi qu’aux 13% qui ont approuvé ce que Dick Cheney a fait en tant que vice-président – alors, vous avez tout faux.

Le temps a entériné les grandes lignes du récit expliquant comment le 11 septembre 2001, des pirates à la solde de Ben Laden avaient détourné quatre avions et tué près de 3000 personnes – ce total ne tient pas compte de la théorie des hologrammes utilisés pour simuler les avions de ligne lancés contre les bâtiments. En même temps, la maxime du fameux journaliste d’investigation I.F. Stone à propos de tous les gouvernements – « ils mentent » – s’applique tout autant au 11-Septembre qu’à n’importe quel autre événement.

Voici une liste de dix questions sur le 11-Septembre qui sont toujours sans réponse.



1. La CIA a-t-elle dissimulé ses informations détaillées sur au moins deux des pirates de l’air du 11-Septembre ?

C’est ce que pense le tsar du contreterrorisme US, Richard Clarke. Il a affirmé lors d’une interview pour un documentaire radiophonique qui sera bientôt diffusé que des officiers supérieurs de la CIA avaient délibérément dissimulé tant à la Maison Blanche qu’au FBI qu’ils avaient su dès 2000 que deux membres d’al Qaïda – Nawaf al-Hazmi et Khalid al-Mihdhar – vivaient à San Diego.

L’ancien chef du contre-terrorisme a expliqué que selon lui, la CIA avait gardé cette information secrète parce qu’elle voulait recruter ces deux Saoudiens pour en faire des agents doubles dans l’organisation de Ben Laden. Mais ce qui s’est produit est que les deux terroristes ont fini par détourner le vol 77 d’American Airlines. George Tenet, alors directeur de la CIA, affirme que Clarke est "irresponsable et se trompe profondément"



2. Jusqu’à quel point le déblaiement du site de Ground Zero est-il corrélé aux cancers et autres maladies ?

La semaine dernière, le Dr. David Prezant du Département des pompiers de New York a publié dans le prestigieux journal médical Lancet un article selon lequel les pompiers qui sont intervenus le 11-Septembre connaissent un taux de cancer 19 % plus élevé que ceux de leurs collègues qui n’ont jamais été exposés. Cela vient confirmer d’autres rapports sur les taux plus élevés d’asthmes et de désordres post-traumatiques parmi les secouristes du 11-Septembre.

En fait, les vraies questions sont a) Pourquoi l’administration Bush a-t-elle été si laxiste dans ses avertissements relatifs à la toxicité du site en 2001 ? et b) Pourquoi a-t-il fallu l’intervention d’un comédien, Jon Stewart, pour contraindre par la honte le Congrès à financer un projet de loi visant à financer de programme de santé pour les héros de "Ground Zero" tombés malades depuis ?



3. Qui était vraiment aux commandes [des États-Unis] le matin du 11-Septembre, Bush ou Cheney ?

L’administration a affirmé que peu de temps après le premier attentat le 11-Septembre, le président George W. Bush avait donné depuis Sarasota, Floride un accord oral à Cheney pour abattre les avions détournés si nécessaire, et Cheney avait alors relayé cet accord aux échelons inférieurs de la chaîne de commandement.

Sauf qu’il n’y a aucune trace d’un tel appel. Le journal Newsweek a rapporté en 2006 qu’ « aucun de ceux parmi les membres [de la Commission sur 11-Septembre] qui avaient travaillé sur cet aspect de l’enquête ne croyait à la version des événements donnée par Cheney » à propos de cet appel téléphonique – mais qu’un arrangement bureaucratique avait permis d’éviter que cela ne soit mentionné dans le rapport final.

Cheney a récemment insisté sur le fait que cet appel avait bien eu lieu, mais il a rajouté une couche de mystère en admettant qu’il avait pressé Bush de ne pas revenir immédiatement à la Maison Blanche. Était-ce pour la sécurité du président, ou bien cet homme surnommé "Edgar" par certains de ses adjoints – en référence au fameux ventriloque Edgar Bergen – avait-il d’autres motivations ?



4. Pourquoi le NORAD [Commandement de la Défense aérospatiale nord-américaine] a-t-il induit en erreur les enquêteurs sur ce qui s’est passé le 11-Septembre ?

Dans les jours suivant les attentats du 11-Septembre, les officiels avaient assuré au public que les avions militaires avaient rapidement pris l’air [le 11/9] et s’étaient tenus prêts à abattre le dernier avion, le vol 93 d’United Airlines, au cas ou celui-ci s’approcherait du District de Colombia [NdT - où se trouve Washington]

Les enquêteurs de la Commission sur le 11-Septembre ont conclu que les généraux avaient fourni de fausses informations – par exemple en affirmant qu’ils avaient répondu au détournement du vol 93 à 9 h 16 alors que les enregistrements prouvent que le détournement n’a eu lieu que 12 minutes plus tard. Le Washington Post a rapporté en 2006 que les membres de la Commission avaient débattu pour savoir s’ils devaient faire part de leurs soupçons au Département de la Justice pour lancer une éventuelle enquête criminelle.

"J’ai été choqué tellement la vérité était différente de la façon dont on nous l’a décrite" a déclaré John Farmer, l’avocat principal de la Commission.

Mais pourquoi mentir ? Même s’il s’agissait de masquer l’incompétence, les vraies raisons restent mystérieuses.



5. Certains hauts responsables saoudiens ont-ils fourni un soutien financier aux pirates ?

Dans un nouveau livre, The Eleventh Day [le 11e Jour], Anthony Summers et Robbyn Swan apportent un argument irréfutable indiquant que dès le début 1995, la famille royale saoudienne avait versé à Ben Laden des sommes relevant d’un racket, et qu’il y aurait eu des contacts aux États-Unis entre des délégués saoudiens et certains des pirates de l’air dans les mois précédant le 11-Septembre.

En juillet 2002, trois princes saoudiens sont décédés dans des circonstances étranges à une semaine d’intervalle, après avoir été mentionnés lors de l’interrogatoire d’un membre d’al-Qaïda, Abu Zubaydah. Est-ce une simple coïncidence ?



6. Qui a tué cinq Américains avec de l’anthrax durant l’automne 2001 ?

La croyance initiale était que ces attentats étaient liés au 11-Septembre, soit par al-Qaïda soit par Saddam Hussein, mais l’enquête judiciaire a montré que l’arme biologique provenait des réserves US. Un chercheur américain a été publiquement pointé du doigt, puis innocenté. En 2008 le gouvernement a annoncé que le nouveau suspect – un chercheur nommé Bruce Ivins, et travaillant à Fort Detrick dans le Maryland, s’était suicidé et que l’affaire était close.

Mais est-ce la vérité ? De façon assez remarquable, au mois de juillet de cette année, un dossier controversé du Département de la Justice américaine prétendit qu’Ivins n’avait pas l’accès à l’équipement nécessaire pour réaliser ces attentats, ce qui poussa certains membres du Congrès à demander une nouvelle enquête.



7. L’ISI, la tristement célèbre agence d’espionnage pakistanaise, a-t-elle soutenu les pirates de l’air du 11-Septembre ?

Dans les jours qui ont suivi le 11-Septembre, plusieurs rapports sont sortis faisant état de liens entre l’ISI – qui soutient depuis longtemps les Taliban afghans qui avaient abrité Ben Laden avant le 11-Septembre – et les pirates de l’air. Par exemple, Zubaydah, le suspect d’al-Qaïda qui rackettait les hauts responsables saoudiens, a aussi mentionné un officier de haut rang dans l’armée de l’air pakistanaise, Mushaf Ali Mir, mort dans un accident d’avion en 2003 (ca vous rappelle quelque chose ?).

La plupart de ces questions n’ont pas reçu de réponse et n’en recevront jamais, étant donné les relations délicates entre les États -Unis et le Pakistan, un pays doté de l’arme nucléaire. Mais le fait que l’on ait retrouvé Ben Laden caché au Pakistan n’a pas vraiment éclairci les choses.



8. Pourquoi tant de responsables de l’Administration Bush ont-ils fait une fixation sur l’Irak dans les heures suivant les attentats ?

Bien qu’aucune preuve ne permettait de relier l’Irak de Saddam aux attentats du 11-Septembre, les responsables de l’Administration Bush ont immédiatement regardé vers Bagdad. Le secrétaire à la Défense Donald Rumsfeld a demandé s’il fallait "frapper S.H. – Saddam – au moment même" où le Pentagone brûlait encore, et Bush a immédiatement insisté auprès de [Richard] Clarke pour savoir s’il y avait une connexion irakienne.

Dix ans plus tard les troupes US sont toujours en Irak, mais pourquoi au juste ? Le pétrole était-il la seule motivation, ou était-ce pour se venger d’un ancien complot de Saddam qui visait à assassiner Bush père, ou encore, était-ce juste un prétexte pour sortir les troupes américaines d’Arabie Saoudite tout en les maintenant dans le Golfe Persique ?



9. Que s’est-il réellement passé sur le vol 93 ?

Juste après le 11-Septembre, et sur la foi de rapports concernant les coups de téléphone passés par les passagers de l’avion détourné de façon si tragique, on a beaucoup spéculé sur le fait que les passagers avaient réussi à pénétrer dans le cockpit, à reprendre de force le contrôle de l’avion d’United Airlines, et à causer son crash bien avant sa cible prévue, censée être le Capitole.

Mais une fois l’enregistreur vocal du cockpit retrouvé [NdT : une des "boîtes noires"] sa transcription indiquait que si les passagers avaient effectivement essayé d’entrer dans le cockpit, rien n’attestait de leur succès. Au lieu de cela, les commentaires des pirates avaient conduit les enquêteurs à penser que ceux-ci avaient délibérément fait s’écraser l’avion. Toutefois, la véritable histoire de cet avion maudit restera à jamais inconnue.



10. La "Guerre contre le terrorisme" alimentée par le 11-Septembre a-t-elle vraiment rendu l’Amérique plus sure ?

L’argument favorable à cette thèse : grâce à l’amélioration des services de renseignement, aux mesures locales de sécurité dans les aéroports et ailleurs, ainsi qu’au changement de régime en Afghanistan, il n’y a pas eu de nouveaux attentats d’envergure aux États-Unis, et Ben Laden comme beaucoup de ses anciens lieutenants d’al-Qaïda – désormais décimée – sont morts ou emprisonnés.

Et l’argument contre cette thèse : le coût des guerres post 11-Septembre, y compris celle totalement inutile contre l’Irak qui a coûté plus de 1000 milliards de dollars, la torture moralement inconcevable autorisée par Bush et Cheney, et la prison-goulag de Guantanamo n’ont pas seulement sapé les finances de l’Amérique, mais ont également porté atteinte à sa stature morale dans le monde tout en inspirant une nouvelle génération de terroristes.

La réponse ? Revenez nous voir pour le 20e anniversaire !

Will Bunch



Mais toutes les questions ne sont pas restées sans réponse !


En 2003 le Daily News a publié une liste encore plus longue de 20 questions sans réponse sur le 11-Septembre. La bonne nouvelle est que depuis, certaines ont trouvé réponses. Par exemple :

Q. Qu’a dit la Conseillère nationale à la Sécurité Condoleezza Rice au président Bush au sujet de la menace d’al-Qaïda dans un rapport encore secret du 6 août 2001 ?

R. Maintenant nous connaissons son contenu : "Ben Laden déterminé à frapper aux États-Unis".



Q. Pourquoi le président Bush a-t-il continué pendant près d’une demi-heure sa lecture devant les élèves d’une école primaire de Floride, alors que se produisait en Amérique le plus terrible attentat de toute son histoire ?

R. Bush a récemment déclaré sur la chaîne National Geographic : "je voulais projeter une sensation de calme." ÇA NE VEUT TOUJOURS RIEN DIRE, MAIS C’EST SA RÉPONSE.



Q. Zacarias Moussaoui était-il effectivement le 20e pirate ?

R. Non, c’était Mohammed al-Kahtani, un Saoudien coincé à l’aéroport d’Orlando en août 2001 par un agent de l’immigration rusé .



Q. Où se trouve le « site secret » mentionné par Dick Cheney ?

R. Cheney explique aujourd’hui que c’était le plus souvent dans la résidence du vice-président au nord-ouest de Washington, D.C., ou bien chez lui, dans le Wyoming. Lassant.



Q. Où est Ben Laden ?


R. Il dort avec les poissons.

Will Bunch