"Le mensonge et la crédulité s'accouplent et engendrent l'Opinion" Paul Valéry

16 août 2011

11-Septembre : Une nouvelle accusation explosive

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Richard A. Clarke en 2010., Markus Schreiber / AP Photo




Dans un tout nouveau documentaire, l’ex-conseiller [de la Maison Blanche] pour la Sécurité nationale Richard Clarke affirme que la CIA a recruté les pirates de l’air du 11/9, et a ensuite dissimulé cette information. Voici l’article de Philip Shenon à propos des dénégations de George Tenet (ex-directeur de la CIA).

A un mois du 10e anniversaire des attentats du 11/9, l’ex-directeur de la CIA George Tenet et deux hauts dirigeants s’élèvent avec force contre les allégations selon lesquelles en 2000 et 2001 ils auraient délibérément caché des informations à la Maison Blanche et au FBI, lesquelles informations auraient pu aider à empêcher les attentats.

Ces affirmations explosives, mais non prouvées, proviennent d’un homme que Tenet considérait autrefois comme un ami proche : l’ex-tsar de l’antiterrorisme à la Maison Blanche, Richard Clarke, qui porte ces accusations contre Tenet et la CIA dans un documentaire qui sera diffusé lors du 10e anniversaire, le mois prochain. Des extraits de l’interview de Clarke ont été fournis au Daily Beast par les producteurs du documentaire.

Dans l’interview donnée pour ce documentaire, Clarke propose une théorie révolutionnaire qui, si elle est vérifiée, obligerait à réécrire l’histoire des attentats du 11/9 ; [selon lui], la CIA a intentionnellement caché des informations à la Maison Blanche et au FBI en 2000 et 2001, sur deux terroristes saoudiens qui se trouvaient sur le sol des USA – ces mêmes terroristes se transformeront en pirates kamikazes le 11-Septembre.

Clarke explique que même s’il ne peut effectivement pas le prouver, la CIA a dissimulé ces informations du fait que l’Agence avait essayé de recruter les terroristes lorsqu’ils vivaient dans le sud de la Californie sous leurs vrais noms, afin de les employer comme agents infiltrés dans al-Qaida. Les tentatives de recrutement ayant échoué, les hauts dirigeants de la CIA ont continué de cacher ces informations de peur d’être accusés de « malversations et d’abus », a affirmé Clarke.

Il explique que si sa thèse est correcte, Tenet et les autres n’admettront jamais la vérité, « même si vous les soumettez au ‘’waterboarding’’. »

La thèse de Clarke traite d’un point central toujours resté mystérieux des attentats du 11/9, à savoir, pourquoi la CIA a-t-elle omis si longtemps d’informer la Maison Blanche et la direction du FBI, qu’elle savait que deux terroristes d’al-Qaïda étaient arrivés aux États-Unis en janvier 2000, quelques jours après avoir assisté à la réunion des chefs terroristes en Malaysie, que la CIA surveillait discrètement.

Dans sa réponse préparée dès la semaine dernière en vue de la diffusion du documentaire, Tenet explique que Clarke, qui s’était fait connaître du public en 2004 en dénonçant la Maison Blanche et les graves manquements des Services secrets avant le 11/9, a « soudainement inventé des théories sans fondement, contredites par les rapports et indignes d’être examinées sérieusement. »

La position de la CIA face à la Commission d’enquête sur le 11/9 et aux autres investigations gouvernementales a toujours été de dire que l’Agence n’avait pas localisé précisément les deux pirates de l’air, Nawaf al-Hazmi et Khalid al-Midhar sur le sol des USA – et avait encore moins essayé de les recruter comme espions.

Certains officiels de l’Agence expliquent que le retard dans la transmission des informations concernant les deux terroristes constitue une faute grave, mais ils insistent sur le fait qu’il n’y avait aucune duplicité intentionnelle de la part de la direction de la CIA. Tenet a indiqué qu’il n’a pas été informé au sujet de l’arrivée d’Hazmi et de Mihdhar aux USA, même si cette information était très largement connue à des niveaux inférieurs de la CIA.

La Commission sur le 11/9 a examiné les rumeurs circulant dans la communauté du Renseignement, selon lesquelles la CIA avait essayé de recruter les deux terroristes – Clarke n’est pas le premier à en parler – mais l’enquête n’a débouché sur aucun élément pouvant étayer cette hypothèse. La Commission écrit dans son rapport final que « personne au FBI ou à la CIA n’a informé les niveaux supérieurs de la direction » au sujet des deux terroristes.

Cependant, lors de son interview, Clarke explique que son scénario, malgré son caractère apparemment improbable – à savoir, une tentative ratée de recrutement de terroristes par la CIA, et sa dissimulation par la suite (cover-up) – constitue « la seule possibilité rationnelle à laquelle je suis arrivé » et qui expliquerait pourquoi lui et d’autres à la Maison Blanche n’ont pas été tenus au courant à propos des deux terroristes, et ce, jusqu’au jour des attentats.

« J’ai beaucoup réfléchi à tout ça, » dit Clarke lors de l’interview qui a été réalisée en octobre 2009. Il indique que pour lui, la conclusion logique est qu’« il y a eu une décision prise à haut niveau à la CIA ordonnant à chacun de ne pas diffuser ces informations. » A la question de savoir qui aurait émis ces ordres, Clarke répond, « je pense qu’ils ont été émis par le directeur, » en référence à George Tenet.

Clarke, qui est aujourd’hui un consultant et un auteur à succès, avait déjà dans ses écrits évoqué la possibilité d’une vaste opération de dissimulation par la CIA au sujet d’Hazmi et Mihdhar, mais n’avait jamais visé nommément George Tenet ou d’autres membres de la CIA.

Il n’a pas souhaité répondre aux questions du Daily Beast lui demandant de développer ses propos et d’expliquer pourquoi il ne les avait pas répétés publiquement depuis l’interview de 2009. Les producteurs du documentaire, FF4 Films, ont contacté Clarke le mois dernier et ont indiqué qu’il maintenait ses déclarations.

Les producteurs, John Duffy et Ray Nowosielski1, avaient déjà produit un film documentaire très apprécié, Press For Truth sur le combat d’un groupe de familles de victimes du 11 Septembre pour obliger le gouvernement à ouvrir une enquête sur les attentats.

En terminant le documentaire radio, ils ont récemment fourni une copie des déclarations de Clarke à Tenet qui, avec deux des anciens membres de la CIA – à savoir Cofer Black, l’ex-chef du centre de lutte antiterrorisme de l’Agence, et Richard Blee, l’ancien chef de l’unité chargée d’Oussama Ben Laden -, ont publié une déclaration dénonçant [les affirmations de] Clarke.

« Richard Clarke a été un fonctionnaire compétent qui a bien servi son pays pendant de nombreuses années, » indiquent-ils dans ce communiqué. « Mais ses commentaires récents à propos du traitement du 11 Septembre sont irresponsables et profondément erronés. »

« Clarke part du présupposé que des informations importantes sur le transfert des futurs pirates vers les États-Unis lui ont intentionnellement été dissimulées au début de l’année 2000. Ce ne fut pas le cas. »

Le communiqué poursuit: « En s’appuyant sur l’idée fausse qui voudrait que l’information ait été dissimulée intentionnellement, M. Clarke a ensuite spéculé – tout en admettant se reposer uniquement sur son imagination, que la CIA aurait pu essayer de recruter ces deux futurs pirates de l’air. Ceci, comme beaucoup des choses que M. Clarke a dit dans son interview, est sans aucun fondement. »

Clarke, qui a coordonné la lutte antiterroriste de la Maison Blanche sous les administrations Clinton et Bush, a dit dans le passé qu’il avait été stupéfait d’apprendre après le 11 Septembre que la CIA avait connaissance depuis longtemps de la présence de Hazmi et Mihdhar aux Etats-Unis .

« A ce jour, je ne m’explique pas pourquoi, alors que j’étais tenu au fait de toutes les informations liées au terrorisme et de tous les détails, le directeur du centre de lutte contre le terrorisme ne m’en pas pas parlé, » s’est étonné Clarke dans l’interview du documentaire, se référant à Tenet et à Cofer Black. « Ils nous ont dit tout, sauf ça. »

Il a affirmé que s’il avait su quelque chose sur Hazmi et Mihdhar, même au dernier moment avant le 11 Septembre, il aurait ordonné une chasse à l’homme immédiate pour les trouver, et qu’il y serait parvenu à coup sûr, ce qui aurait peut-être permis de déjouer le complot du 11 Septembre.

« Nous aurions effectué une traque massive, » a-t-il dit . « Nous l’aurions menée publiquement. Nous aurions trouvé ces connards. Cela ne fait aucun doute dans mon esprit, même si nous n’avions eu qu’une semaine. Ils utilisaient des cartes de crédit à leur propre nom. Ils logeaient à l’Hôtel Charles à Harvard Square, pour l’amour du ciel ! » s’est-il emporté, « Ces gars-là auraient été arrêtés dans les 24 heures. »


Philip Shenon
The Daily Beast


Note :
(*) Philip Shenon est un journaliste d’investigation basé à Washington, DC. Il a effectué la quasi-totalité de sa carrière comme journaliste au The New York Times de 1981 à 2008. Il est l’auteur du best-seller « The Commission: The Uncensored History of the 9/11 Investigation ». Il a effectué de nombreux reportages en zone de guerre et a été l’un des deux reporters du Times embarqué avec les troupes au sol américaines lors de l’invasion de l’Irak pendant la guerre du Golfe en 1991.