"Le mensonge et la crédulité s'accouplent et engendrent l'Opinion" Paul Valéry

25 mars 2011

Après 11-Septembre: la Cour suprême examine l’immunité d’un ministre de Bush

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La Cour suprême des Etats-Unis a examiné mercredi la plainte d’un Américain musulman, arrêté et emprisonné en 2003 sans qu’aucun soupçon sérieux ne pèse sur lui, contre John Ashcroft, le ministre de la Justice de George W. Bush après le 11-Septembre, qui brandit son immunité.

La plus haute juridiction des Etats-Unis qui siégeait dans cette affaire à huit au lieu de neuf, une juge s’étant récusée, devrait dire d’ici fin juin si elle confirme ou non la décision d’une cour d’appel fédérale d’autoriser la plainte.

L’affaire commence en mars 2003, lorsque Abdullah Al-Kidd, né au Kansas (centre) et converti à l’islam, est arrêté en vertu du principe fédéral dit du "témoin crucial" qui autorise la détention du témoin d’un procès terroriste pour s’assurer qu’il se présentera bien à la barre.

M. Al-Kidd passe quinze jours enfermé à l’isolement dans trois prisons américaines différentes, subissant des fouilles au corps quotidiennes, dormant parfois à même le sol en ciment ou avec la lumière électrique allumée 24 heures sur 24. Il est ensuite placé sous contrôle judiciaire pendant 15 mois.

Il n’a jamais été accusé d’aucun crime et n’a jamais été appelé à témoigner au procès pour lequel il avait été arrêté, qui s’est soldé par un verdict de non-culpabilité.

Pour son avocat mercredi, il est clair que la police s’est servie du principe du "témoin crucial" pour procéder en réalité à "une détention préventive" dans la vague de paranoïa qui a saisi l’Amérique au lendemain du 11-Septembre.

"Après le 11-Septembre, l’administration avait demandé au Congrès de lui conférer de nouveaux pouvoirs de détention préventive (en matière anti-terroriste), le Congrès a refusé cette demande", a argumenté Lee Gelernt devant des juges inhabituellement peu bavards.

Pour l’administration Obama, à l’inverse, qui plaide pour l’immunité de M. Ashcroft afin d’éviter que les poursuites se multiplient, "le ministre et les procureurs faisaient leur travail". Neal Katyal, avocat de l’administration, a en outre rappelé que M. Al-Kidd avait poursuivi séparément les responsables des prisons qui l’avaient soumis à ce traitement brutal.

Si la Cour décidait de se ranger en faveur de l’immunité, elle resterait fidèle à un principe déjà tranché dans un cas similaire il y a deux ans – déjà concernant M. Ashcroft -, selon lequel les hauts responsables de l’Etat ne peuvent être tenus responsables des excès de l’après 11-Septembre.

Mais les Sages pourraient également décider d’élargir la portée de leur jugement en traitant la question du principe de "témoin crucial".

"Le ministère de la Justice veut savoir s’il peut utiliser ce principe" pour détenir des personnes dans des cas de lutte antiterroriste, même sans qu’il existe le "soupçon sérieux" requis par le IVe amendement de la Constitution pour procéder à une arrestation, explique le spécialiste Orin Kerr sur le site dédié à la Cour suprême, Scotusblog.

AFP