"Le mensonge et la crédulité s'accouplent et engendrent l'Opinion" Paul Valéry

22 mars 2010

11-Septembre : l’Administration Bush a entravé l’enquête sur les attentats

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Un document confidentiel révèle que des membres de l’Administration Bush ont exercé une pression singulière auprès de la Commission d’enquête sur les attentats du 11 Septembre 2001 afin qu’elle ne sollicite pas certaines informations jugées trop sensibles.
« Il y a une ligne à ne pas franchir » : tels ont été les mots employés par la Maison Blanche à l’attention de la Commission d’enquête sur les attaques terroristes. Dans ce document confidentiel (page 26) datant de 2004, et dévoilé mardi par l’Union américaine des libertés civiles (ACLU), David Addington, alors conseiller du vice-président Dick Cheney, recommande expressément aux membres de la Commission de ne pas solliciter auprès du gouvernement certaines informations qui pourraient mettre en péril la protection du pays.



Extrait de la page 26 de la lettre de l’Administration Bush à la Commission d’enquête sur le 11/9



" There is, however, a line that the Commission should not cross"


Cette lettre, contre-signée par Donald Rumsfeld (Défense), John Ashcroft (Justice) et George Tenet (CIA), évoque la nécessité de sauvegarder la « sécurité nationale, y compris la protection des Américains contre de futures attaques terroristes » et requiert en conséquence de la part des enquêteurs « de ne pas poursuivre plus en avant la demande de participation à l’interrogatoire des détenus ».

La note, faxée et datée du 16 janvier 2004, fait allusion à la requête des membres de la Commission de pouvoir interroger eux-mêmes les militants d’Al Qaida en détention. Les témoignages recueillis avaient été jusqu’alors collectés par l’armée américaine et la CIA avant d’être retransmis à la Commission pour la rédaction de son rapport final. Autre circonstance aggravante pour assurer la fiabilité des aveux rapportés, la plupart des détenus avaient été secrètement torturés lors de leur interrogatoire. Le scandale de la prison irakienne d’Abou Ghraib, mettant au grand jour la pratique de torture par les Américains, n’éclatera que quelques mois plus tard, au printemps 2004.

La recommandation formulée par le conseiller du vice-président vient corroborer la volonté attestée par le gouvernement Bush de ne pas autoriser l’accès direct aux organisateurs présumés des attaques terroristes, y compris par ceux chargés précisément d‘en éclaircir le déroulement.

Ce document de la Maison Blanche, obtenu et dévoilé par une importante organisation des droits civiques aux Etats-Unis, est une nouvelle indication de l’obstruction menée par l‘Administration Bush afin de ne pas permettre à la Commission d’approfondir son travail d’investigation. Après s’être initialement opposés à la création de la Commission d’enquête, George Bush et Dick Cheney s’étaient notamment illustrés en refusant, lors de leurs propres dépositions, d’être interrogés séparément et sous serment

En 2009, l’avocat-conseil de la Commission, John Farmer, révéla que le gouvernement avait décidé de ne pas dire la vérité au sujet des attentats, faisant écho en cela aux critiques émises par les membres eux-mêmes de la Commission tel le sénateur Max Cleland. Celui-ci protesta en démissionnant du panel de l‘enquête, évoquant un « scandale national » et un « camouflage » opéré par la Maison Blanche. D’autres membres ont également condamné les mensonges délibérés du Pentagone dans le récit de sa réaction aux attentats, au point que certains d‘entre eux, tel Tim Roemer, avaient envisagé de demander au Département de la Justice d’ouvrir une enquête criminelle pour faux témoignages.

Dans une interview accordée à la Télé libre et bientôt diffusée dans le cadre d’une enquête sur les délits d’initiés autour des attentats, Eric Laurent, journaliste d’investigation et spécialiste du 11-Septembre, qualifie le rapport officiel de « mensonger » et suggère que toute nouvelle enquête approfondie sur les attentats serait dorénavant « impossible car elle mettrait en danger la politique étrangère des Etats-Unis ».

Hicham Hamza