"Le mensonge et la crédulité s'accouplent et engendrent l'Opinion" Paul Valéry

11 septembre 2001

George Smith Patton


George Smith Patton Junior voit le jour en Californie du Sud le 11 novembre 1885. Son père, avocat, richissime propriétaire terrien originaire de Virginie, est un fin lettré et un personnage cultivé. Le jeune George, conformément à la décision paternelle, vit et grandit au ranch sans aller à l'école. Le garçon suit l'enseignement dispensé par ses parents, principalement axé sur la littérature classique, la mythologie, l'histoire ainsi que la morale chrétienne. En dehors de ses travaux scolaires Patton pratique l'équitation.

En 1897, George âgé de 12 ans est inscrit à l'école. Paradoxalement même s'il ne sait toujours pas lire et écrire, il possède déjà une culture générale conséquente. Adolescent, Patton est un jeune homme complet. Sur le plan physique c'est un véritable athlète, pratiquant l'équitation, la course de fond, l'escrime et les arts martiaux. Intellectuellement, c'est un érudit qui travaille surtout l'histoire militaire et notamment les exploits de son grand père, Général confédéré lors de la guerre de sécession. Il se passionne aussi pour l'histoire des empires antiques qu'il maîtrise parfaitement. Il parle plusieurs langues étrangères dont le français, lit et comprend le latin. Enfin il fait preuve d'une éducation de qualité et sait se montrer particulièrement prévenant envers les femmes. D'aucuns le qualifient de "chevalier des temps modernes", lui se perçoit comme un "anachronisme vivant".

C'est tout naturellement que le jeune Patton intègre l'académie militaire de West Point dont il sort en 1909 en tant qu'officier de cavalerie (sous-lieutenant). La vie de cet officier, brillant et impétueux, se partage alors entre les cours de casernes et les salons mondains de Washington. Il épouse Mademoiselle B. Ayer, qui lui apporte en plus de son amour une dote confortable. Cet argent renforce encore un peu plus la fortune personnelle du jeune Patton.

En 1912, après avoir reçu l'accord de l'état-major américain, il part à ses propres frais aux Jeux Olympiques de Stockholm où il termine cinquième au pentathlon. La même année il vient en France afin de participer à des exercices au Cadre Noir de Saumur, ville dans laquelle il viendra une seconde fois en 1913. Il profite de ces séjours pour se perfectionner en escrime. C'est d'ailleurs en France qu'il dessine un sabre pour la Cavalerie US. Ce sabre lui vaudra le titre aussi honorifique que rarissime de "maître d'armes". Ces "escapades françaises" sont aussi l'occasion pour Patton de visiter en détail les côtes normandes sur les traces des armées de Guillaume le Conquérant, l'un de ses modèles militaires... Auteur d'un mémoire sur le bocage et les tactiques militaires les plus adaptées à la Normandie, Patton sera en 1944, le leader idéal pour mener à bien une percée avec la 3rd US Army.

Mais revenons en 1913 ! Affecté à Fort Riley puis Fort Bliss, Patton sert sous les ordres du célèbre Général Pershing qui le prend sous son aile. George Smith Patton le suit lors des raids punitifs de l'US Army en 1916, contre Pancho Vila et commande une colonne d'automitrailleuses Dodge. Il ajoutera d'ailleurs à la liste de ses exploits un duel au pistolet digne des meilleurs westerns avec l'un des chefs d'état-major de Vila qui y perdra la vie... Ou comment alimenter une légende de "cabochard" !

Juin 1917 le voit revenir en France, conformément à la décision du congrès d'entrer en guerre contre les Empires Centraux. Patton est versé à l'American Expeditionary Force commandée par le Général Pershing en tant qu'officier d'Etat-Major. Ses relations avec le généralissime américain se dégrade au fil des semaines. C'est à la demande de Patton qu'il est muté dans une unité combattante, la première brigade de chars de l'US Army. De retour de sa formation à Bovington et Chaplieu, il prend ses quartiers en Haute-Marne à Chaumont puis à Langres où il installe sa brigade équipée de Renault FT-17. En septembre 1918, sa 304th Tank Brigade et lui-même sont engagés au front lors de la contre-offensive de St Mihiel. Patton se montre énergique, sautant d'un point du front à un autre, virevoltant, encourageant ou encore bousculant ses propres équipages. Il va même jusqu'à reconnaître personnellement des points de passage délicats comme à Pannes où il se retrouve seul face aux mitrailleuses allemandes ! Le G.Q.G. américain en France le nomme Colonel à titre provisoire mais lui reproche son excentricité et surtout son manque de discipline. Impétueux, toujours aussi déraisonnable et fonceur G.S. Patton est gravement blessé en Argonne le 26 septembre 1918. Il est évacué du front.

Terminera-t-il la guerre dans un hôpital ? Non ! Il s'évade de son lit en soudoyant un infirmier et fonce en voiture vers le front, encore blessé mais prêt à repartir au combat. Ce jour-là, il fête ses 33 ans, nous sommes donc... le 11 novembre 1918. La guerre vient à peine de s'achever lorsque Patton entre dans Verdun ! Il évite de peu une sanction disciplinaire, mais se voit rétrograder au rang de Commandant. En janvier 1919, il reçoit tout de même la Distinguished Service Cross des mains de Pershing.

Que devient ensuite Patton ? Fort de son expérience des blindés, il se consacre à sa carrière ainsi qu'au développement d'une véritable Armée Blindée aux USA. Mais aux Etats-Unis, une doctrine politique refait surface, celle de l'isolationnisme. L'opinion publique et le Congrès, ne veulent plus de guerres. A quoi bon alors entretenir une armée puissante et innovante en terme de matériels ? En 1920 l'armée est réduite à 280.000 hommes, les budgets fondent et les projets sont suspendus. Les tanks passent aux oubliettes. Patton désabusé se rapproche de Pershing qui lui refuse son aide. Tant pis... Il devra désormais se concentrer sur sa seule carrière. De poste en poste, il multiplie les affectations, prenant en 1937, la tête du 5th US Cavalry Regiment basé à Fort Clark - Texas. Au gré de ses affectations il fait la connaissance d'Omar avec lequel il servira plus tard en Europe. En octobre 38, Patton qui se morfond et songe à quitter l'armée reçoit une nouvelle feuille de route pour cette fois-ci rejoindre son ami George Marshall. Ce dernier prend ses fonctions à l'Etat-major.

En 1939, la guerre éclate en Europe. Patton suit jour après jour le développement du conflit. Ses prédictions s'avèrent justes ! Comme les officiers supérieurs allemands Guderian ou Rommel, l'anglais Liddel Hart et même ce français inconnu (De Gaulle), Patton croit que cette guerre sera mécanique et que les offensives seront blindées. La Pologne, puis la tragique campagne de France lui donnent raison. Les USA sont plongés dans le désarroi et si Washington réagit c'est avec la plus grande des inerties ! Il faut attendre juillet 40 pour que le gouvernement autorise enfin Marshall à créer deux armoured divisions ou divisions blindées. Patton organise une brigade pour la 2nd armoured division et va même jusqu'à payer avec ses propres deniers des pièces détachées pour ses chars. A 50 ans, Patton est nommé Général de brigade et baptisé par ses hommes "le vieux, sang et tripes".

1941 voit l'entrée en guerre des USA après l'attaque surprise de Pearl Harbour que Patton, maintenant Général de division, avait prédit dès 1935 !

En 1942 les alliés préparent l'opération Torch, le débarquement en Afrique du Nord Française (Maroc et Algérie). "Le vieux", nommé pour prendre le commandement de l'affaire, se frotte très vite au flegme des anglais qui voit en lui un Général Hollywoodien et demande qu'il soit relevé de son commandement. Comment en effet faire confiance à un homme qui porte deux colts à crosses de nacre en lieux et places de l'arme réglementaire ?! Mais Eisenhower, Général en Chef des forces alliées en Europe soutient son turbulent subordonné. Patton commandera l'opération Torch. Le 08 octobre le débarquement a lieu. Après quelques accrochages et une fois passés les atermoiements des soldats français, les choses entrent dans l'ordre. Patton reste au Maroc où il occupe des fonctions politico-diplomatiques et militaires. Il profite de son temps libre pour visiter les ruines romaines (Volubilis à côté de Meknes) et les champs de bataille antiques. De son côté, Rommel chassé d'Egypte et de Libye par la VIIIe Armée britannique a installé son Afrika Korps en Tunisie, où il ne cesse de recevoir des renforts dont un bataillon de PzVIe Tigre et la 10. Panzer-Division. Le "renard du désert" donne une leçon aux GI's inexpérimentés lors de la bataille de Kasserine. Ike nomme alors Patton pour rétablir la situation et revigorer les soldats US qui contre attaquent à Gafsa en coopération avec les Anglais et les Français. Plusieurs semaines plus tard les allemands se rendent. L'Axe vient de perdre 250.000 hommes dont de nombreux vétérans.

En 1943, Patton dirige la 5th US Army et débarque avec les anglais de Montgomery en Sicile. C'est l'opération "Husky". Une véritable course de vitesse s'engage entre les deux armée alliées. Les Tommies de Montgomery piétinent sur la route de l'Etna en direction de Messine. Quant à Patton, il affronte les détachements de Panzer grenadier allemands qui lui barrent la route. "le vieux" pousse ses hommes au maximum, chassant les "planqués" qui d'après lui sabordent le moral de son armée. Le 03 août, il commet l'erreur de gifler un soldat atteint de malaria. Sa réputation est immédiatement ternie tandis que les correspondants de presse font leurs choux gras de l'affaire. Le 10 le Général recommence et blesse un GI dans un hôpital. Palerme puis Messine tombent enfin entre les mains de Patton le 17 août. Un Patton qui se couvre une fois de plus de gloire comme un César mais qui est conduit à une disgrâce temporaire, à la suite de ces affaires de violences. Patton s'excuse devant ses soldats mais rien n'y fait et il doit subir une "mise en quarantaine" à Malte puis en Grande-Bretagne. Patton le guerrier valeureux, le Général le plus aimé des américains passe une année complète loin des champs de batailles.Il reçoit malgré tout en 1944 le commandement de la 3rd US Army, remplaçant à ce poste. Il engage l'armée en août 44 en Normandie, avec pour mission de percer les lignes allemandes. Ironie du sort, il sert sous les ordres d'Omar Bradley, l'un de ses bras droit en Afrique du Nord. Après l'opération "Cobra", Patton commande ses troupes avec brio et s'enfonce loin en France, libérant villes et villages à la vitesse maximum de ses colonnes blindées. Sous ses ordres le Général Leclerc, FFL de la première heure, libère Paris à la tête de sa célèbre 2e DB. La 3rd US Army fonce, fonce, fonce toujours plus en direction de l'est, bouscule les Allemands qui ne parviennent pas à enrayer son offensive. Patton rêve de finir la guerre à lui tout seul en quelques semaines. Mais la logistique ne suit plus et il doit marquer le pas dans l'Est de la France. Sans essence les chars "du vieux" sont à l'arrêt en Meuse. Que fait le Général ? Il fonce droit au G.Q.G. voir Ike qui lui explique que Monty a maintenant la priorité en terme de ravitaillement. Patton a beau faire, Eisenhower n'entend rien. La victoire par KO échappe au tumultueux californien. Quand il reçoit à nouveau son essence et ses munitions il est accroché par les allemands qui ont eu le temps de s'organiser. Patton libère la Sarre et avance vers l'Est, mais en décembre 44, il réoriente magistralement son armée pour foncer plein Nord, afin de stopper l'offensive des Ardennes lancée par les divisions du Reich. Wacht am Rhein s'essouffle, Bastogne est sauvée par les chars de Patton et la résistance des paras de la 101st Airborne Division. Prochaine étape la ligne Siegfried.

En février 45, G.S. Patton entre en Allemagne et s'empare de Trèves. En mars c'est au tour de Coblence de tomber entre les mains de la 3rd US Army, puis le Rhin est franchi en plusieurs points. A cette occasion le Général télégraphie à Ike pour lui dire "qu'il vient de pisser dans le Rhin". Le rêve d'empire millénaire du Führer s'achève, l'Allemagne est à l'agonie. Le 22 avril Patton décide une nouvelle offensive, et pénètre en Autriche ainsi qu'en Tchécoslovaquie, sans prendre Prague à quelques kilomètres de là... Les alliés avaient décidé que la ville devait être libérée par les soviétiques. Le 08 mai 1945 les éléments avancés de l'armée font leur jonction avec les Soviétiques. La Seconde Guerre Mondiale vient de s'achever en Europe. Pour Patton il est temps de profiter de sa toute jeune popularité. Partout il est accueilli en héros et en triomphateur. Les luxembourgeois l'adorent, les américains lui font des ovations.

En juin 45, Patton retourne en Allemagne après quelques jours de repos en Californie en compagnie de son épouse. Toujours aussi impulsif, il critique la dénazification ce qui l'expose à nouveau aux courroux de la presse américaine. Pour Ike qui couvre plus ou moins régulièrement les déclarations de Patton à propos des communistes, les choses vont cette fois beaucoup trop loin ! Patton perd le commandement de son armée et son poste de gouverneur militaire de Bavière. Abasourdi par cette décision, il prend la tête d’un pseudo 15th US Army. En fait, à peine une poignée de soldats versés à des tâches administratives. Le "vieux" donne libre cours à ses loisirs et visite l'Allemagne ruinée et détruite.

Au matin du 9 décembre 1945, il part chasser le faisan accompagné de son chef d'état-major, le général-major Hobart R. Gay, et conduit par Horace PFC Horace Woodring (1926 – 2003). Patton était assis à l'arrière, sur la droite avec le général Gay à sa gauche comme à l'habitude. Patton était à bord d’une Cadillac 1939 Modèle 45. A 11 heures 45, sur le trajet, le long d'une nationale, son véhicule heurte de plein fouet un GMC de 2.5 tonnes conduit par un soldat ivre près de Neckarstadt (près de Mannheim), qui coupe soudainement la route de la limousine pour s'engager dans un sentier. Le conducteur du camion (T/5) serait Robert L. Thompson. Le camion est apparu de nulle part et a tourné à gauche vers une route adjacente. La Cadillac s'est écrasée contre le camion.Le choc n'est pas violent et tout le monde sort des véhicules. Tout le monde, sauf Patton un "peu sonné" qui semble malgré tout bien aller.

Le général Patton fut projeté à l'avant et sa tête a heurté une barre de séparation en métal entre l'avant et l'arrière de la voiture. Gay et Woodridge s'en sortirent indemnes. En fait, Patton est paralysé, il ne peut plus bouger ses deux jambes et ne sent plus la partie inférieure de son corps. Quand on releva Patton, qui avait la nuque brisée, il dit alors : « C'est trop bête de mourir comme cela. » Cependant, il ne succomba pas immédiatement. Il est conduit d'urgence à l'hôpital Militaire d'Heidelberg, où les médecins font un diagnostic plus que réservé. Son état est jugé critique. Le 21 décembre 1945, il décède d’une embolie pulmonaire (ou d’une crise cardiaque selon certaines sources non confirmées), en présence de sa femme.Il est inhumé au cimetière militaire américain de Hamm au Luxembourg, au milieu des hommes de sa 3rd US Army, le 24 décembre 1945. L'accident a eu lieu un jour avant que Patton ne retourne aux Etats-Unis. Le Général Patton avait toujours désiré mourir dans une bataille...

Faits peu connus :

1. Il y a beaucoup de spéculations sur le fait que Patton en raison de ses opinions impopulaires et politiques aurait pu être assassiné.

2. Le général Patton était responsable de l’enquête sur le plus grand vol de l’histoire, celui du vol du train de la Reichsbank, l’enquête était sous sa juridiction, le vol de l’or s’est passé sur le territoire contrôlé par Patton. Le film « La cible étoilée » retrace cette affaire.

3. Il est dit que Patton n'a pas été blessé dans l'accident de la Cadillac et du GMC, il a été transféré sur une jeep, qui à son tour, s'est écrasée dans un deuxième accident causant les blessures fatales.

4. Le nom du conducteur du camion et le camion (qui n'ont jamais été retrouvés) et les détails exacts n'ont jamais été pleinement révélés.